36e Festival International du Film sur l’Art (FIFA) | 11 films sur les arts de la scène

Le 36e Festival International du Film sur l’Art, qui court jusqu’au 18 mars, met l’accent sur la musique cette année avec pas moins de 11 films sur les arts de la scène. Le FIFA, seul du genre en Amérique du Nord et le plus important au monde, se déploie dans trois lieux principaux :  le Musée des beaux-arts de Montréal, le Centre Canadien d’Architecture et l’Université Concordia. Une édition condensée du FIFA sera même présentée simultanément à Québec au Musée national des beaux-arts du Québec.

Le nouveau directeur général, Philippe U. del Grado, a voulu une programmation à la hauteur du long règne de René Rozon qui a tant fait pour la renommée de ce festival à l’échelle internationale. Sur les 600 œuvres soumises cette année, 115 ont été retenues, toutes disciplines confondues. Et le nouveau FIFA donne une plus grande place à sa section expérimentale, ainsi qu’aux arts médiatiques et numériques.

Béjart à l’honneur

Au nombre des films en arts vivants, il ne faut surtout pas manquer Maurice Béjart : L’âme de la danse, en présence du réalisateur Henri de Gerlache, un treizième film pour celui s’étant intéressé déjà à Van Gogh et à Magritte.

Ayant signé plus de 300 ballets et travaillé avec des milliers de danseurs, Maurice Béjart, né Berger à Marseille, a complètement révolutionné la danse en Europe avec sa compagnie Les Ballets du XXe siècle qui deviendront Béjart Ballet Lausanne, mêlant les genres et brisant les codes avec un génie dont s’inspireront les plus grands ensuite, tels Anne Teresa De Keersmaeker, Maguy Marin, Michèle Anne De May et Pierre Droulers.

Le film, avec son lot d’archives exceptionnelles et ses témoignages émouvants d’anciens danseurs aujourd’hui âgés, illustre un parcours parsemé d’embuches pour Béjart depuis la création à 28 ans de sa Symphonie pour un homme seul, avec son contenu portant à réflexion hérité de son père philosophe, jusqu’à son scandaleux Le Sacre du printemps à l’ouverture du Théâtre de la Monnaie à Bruxelles en 1959. La charge érotique de l’œuvre et son animalité primitive se comparaient à des images de cerfs mâles qui se battent et s’encornent pour mériter une femelle, expliqua en vain Béjart.

Suivront Messe pour le temps présent en 1967, première œuvre dansée dans la Cour d’honneur du Palais des papes à Avignon à l’invitation de Jean Villar; La 9e Symphonie de Beethoven qui se voulait résolument populaire; L’Oiseau de feu et ses influences orientales; et encore son fameux Bolero, un crescendo vers la mort qui révèlera son danseur fétiche, Jorge Donn, décédé du sida en 1992. Tortionnaire cruel et tyrannique pour d’aucuns, Maurice Béjart dira dans le film avec son regard de feu : « La danse est une maîtresse exigeante. »

 

Documentaires musicaux

À l’opposé, on retrouve Arno – Dancing Inside My Head, un film de Pascal Poissonnier sur le rockeur belge Arno Hintjens se prêtant pour la première fois à un documentaire sur son univers baroque incluant la chanson J’t’aime comme un fou du duo Plamondon – Charlebois. « Ce qui est parfait n’est pas réel », lancera Arno en pleine recherche musicale dans son studio.

Au programme du FIFA également, un très beau film sur le grand virtuose du violoncelle, Mstislav Rostropovitch, l’archet indomptable. Né en Azerbaïdjan en 1927, il crut bon de quitter l’URSS en 1972 à cause de son appui à l’écrivain décrié par le régime soviétique Alexandre Soljenitsyne qui, lui, fut carrément expulsé, suite à la publication de L’Archipel du Goulag. En compétition, le film du Français Bruno Monsaingeon, qui a déjà réalisé un documentaire sur Glenn Gould, regorge d’archives rares et de témoignages touchants de sa famille et de ses amis.

Plus près de nous, et en première nord-américaine, un film français de Philippe Kohly qui dure presque deux heures, Jacques Brel, fou de vivre, dont Arthur H fait la narration. Un portrait intime qui en ratisse large autour de Brel, dont le premier disque s’était vendu à 953 exemplaires, mais qui finira comme l’égal de Georges Brassens après son premier passage à l’Olympia en 1966.

Le film, foisonnant de détails savoureux sur l’homme et le chanteur, nous apprend que Jackie a d’abord travaillé cinq ans à la cartonnerie de son père, que le premier livre qu’il a lu était de Verlaine sans qui, dira-t-il, il n’aurait jamais écrit une seule chanson, qu’il s’est marié une première fois à 21 ans et a eu trois filles qui lui sont restées étrangères.

Menant comme un saltimbanque une double vie au hasard des rencontres, on apprend aussi qu’il vomissait systématiquement avant chaque spectacle, qu’il a été marin sur son voilier de 24 mètres et pilote de son propre avion, qu’il a joué dans 10 films, qu’il irradiait sur scène mais était plutôt sombre dans la vie, qu’il fumait quatre paquets de cigarettes par jour depuis 25 ans quand il fut atteint d’une tumeur au poumon, puis d’une deuxième qui causera sa mort à 49 ans.

Autre film très révélateur, Marianne Faithfull, fleur d’âme, que vient de réaliser l’actrice française Sandrine Bonnaire. Pour une rare fois, la chanteuse de As Tears Go By et de Broken English raconte avec une retenue qui se comprend sa liaison amoureuse destructrice avec Mick Jagger, à l’issue de laquelle elle a sombré dans la dépression et l’anorexie, et a même vécu un temps dans la rue, avec un lourd problème de consommation d’héroïne.

Doublé d’Amalric

En présence du réalisateur, le FIFA présente deux œuvres du Français Mathieu Amalric : Music is Music où il suit la soprano et cheffe d’orchestre canadienne Barbara Hinnigan, en un voyage musical autour du disque Crazy Girl Crazy, alors qu’elle dirige le Ludwig Orchestra; et le film Zorn (2010-2017) que le grand comédien consacre au musicien de jazz John Zorn, en l’ayant construit comme un dialogue entre deux amis.

A Portrait of Esbjörn Svensson, par David Tarrodi, se concentre sur la destinée fatale de ce pianiste suédois adulé, mort à 44 ans dans un accident de plongée. Tandis que Between Calculus and Random de Beat Zoderer, est un film suisse de 90 minutes sans dialogue qui combine la musique de Nick Bärtsch et les arts visuels par superpositions rythmiques dans un espace structuré.

Et si vous pensiez tout connaître sur le chef de l’OSM depuis 2006, vous ne voudrez pas manquer La mission de Kent Nagano, un docu-portrait allemand de 45 minutes réalisé conjointement par Nadja Frenz et Inge Kloepfer. En voulant rendre la musique classique accessible à tous, et cherchant encore à comprendre le pouvoir de la musique sur les humains, Nagano s’entretient à un moment donné avec le Dr Daniel Levitin, neurologue à l’Université McGill et musicologue qui se réfère à la structure mathématique de l’univers pour expliquer comment le cerveau est transformé et transporté par la musique.

Enfin, il conviendra de célébrer les nouvelles écritures en arts vivants avec la projection immersive sous le dôme de la SAT de Liminality par le Britannique Matt Wright. Sans aucun dialogue, il s’agit d’un traitement technologique novateur de la danse contemporaine, avec une bande sonore en direct, et l’utilisation de techniques de filmographie en 360 degrés. Le tout, ne sachant trop personne à quoi s’attendre, sera présenté en première mondiale.

 

Pour en savoir davantage sur l’ensemble des films présentés dans le cadre du FIFA, consultez le site officiel : www.artfifa.com

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