Kristian Bezuidenhout

Amadeus et le piano | Soirée intime avec les Violons du Roy

L’orchestre des Violons du Roy, sous la direction de Jonathan Cohen, présentait hier le concert « Amadeus et le piano » en compagnie du pianiste Kristian Bezuidenhout. Ambiance intimiste et mesurée dans la très belle Salle Bourgie.

* Photo d’entête par Marco Borggreve.

L’orchestre en un seul souffle

L’orchestre a commencé avec un morceau peu connu du public, la 1ère Symphonie en sol mineur (DF 117) de Christoph Ernst Friedrich Weyse. Le morceau, qui date de 1795, est empreint d’une esthétique classique rendue à merveille par la petite formation des violons du Roy. Environ vingt-cinq musiciens se partagent la scène, et dès le premier mouvement, on est charmé par la cohésion qui se dégage de l’ensemble. Le chef Jonathan Cohen dirige, du bout des doigts, des musiciens qui connaissent leurs traits par cœur et qui n’hésitent jamais sur les nuances à faire. Chaque pupitre est mis en valeur, les quatre mouvements sont joués dans un bel ensemble, marqués par des variations de tempo, de tonalité, de nuances ou de couleurs exécutées à la perfection. L’occasion pour le public de découvrir un compositeur trop peu joué, orchestrateur talentueux et agréable.

Arrive ensuite le piano. Petit bémol, le couvercle de celui-ci est ouvert mais pas enlevé – le modèle du piano ne le permet pas – et sur la petite scène de la salle Bourgie, l’effet est immédiat : on ne voit plus personne dans l’orchestre ! Chef, altos, violoncelles et bois sont cachés derrière. Heureusement, la salle circulaire donne une superbe acoustique à l’ensemble et le son ne souffrira pas de cette disposition scénique.

Le pianiste Kristian Bezuidenhout, très humble, livre une interprétation très personnelle du 14ème Concerto pour piano en mi bémol majeur (K.449) de W.A. Mozart. Le premier mouvement est subtil, onirique. Le piano se fond dans l’orchestre, il devient un instrument parmi les autres. Si on peut regretter cet effet lors des fins de phrases, qui sonnaient peu face à l’orchestre entier, il est certain que le 2ème mouvement, très mélancolique, a été mis en valeur par cette approche de l’œuvre. Bezuidenhout n’hésite pas à utiliser la pédale pour porter le son, et dialogue constamment avec l’orchestre. Celui-ci lui répond d’une seule voix, d’une seule respiration, comme un seul immense instrument qui rivalise avec le piano.

 

Tout en subtilité

Après l’entracte, l’orchestre revient seul avec son chef. Ils interprètent la Symphonie n.80 en ré mineur (Hob. I :80). Jonathan Cohen, cette fois-ci, est plus présent dans sa direction ; ce qui s’explique par l’espièglerie du 1er mouvement. Les bois ont la part belle ; les tuttis sont envoûtants. On profite du moment, sans chercher ni défauts ni problèmes : il n’y en a pas. Haydn est interprété avec ses lettres de noblesse par un orchestre qui maîtrise à la perfection le répertoire classique.

Le concert se termine sur le Concerto pour piano n.18 de Mozart, en si bémol majeur (K.456). C’était une bonne idée de séparer les deux concertos qui, écrits la même année, sont suffisamment similaires pour sembler redondants. L’interprétation de Bezuidenhout est à l’image du concerto précédent : très intime, parfois un peu trop dans les forte, où le piano ne sonne pas par rapport à l’orchestre. Mais ce côté introverti nous fait découvrir un Mozart qu’on entend rarement, pas très espiègle mais empreint d’une profondeur agréable. Pianiste et orchestre s’entendent toujours à merveille, cherchant constamment à ne pas prendre le dessus sur l’autre, et le concert se termine par une salve d’applaudissements à l’image de la soirée. Bezuidenhout gratifie le public d’une Allemande (KV. 399, Mozart) en rappel, avec un jeu toujours aussi délicat.

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