André Sauvé

André Sauvé présente Ça au Monument-National | L’analyste méticuleux de l’intérieur

«On vient de “ça” qui savait comment faire.» Ça… Ce pronom démonstratif peut évoquer plusieurs choses, dont un certain film tiré d’un roman d’horreur américain, surtout en ces jours d’octobre. Mais ici, il est question du troisième spectacle d’André Sauvé, dont la première médiatique avait lieu mercredi soir au Monument-National. Avec «Ça», André Sauvé a démontré une fois de plus qu’il touche au coeur de toute chose, en faisant référence cette fois-ci à la «petite voix» qu’on entend tous en dedans (avec plus ou moins de force!). Topo d’une soirée où l’énergumène adoré du Québec a bien fait penser et rigoler.

Observateur des rouages de la mécanique humaine

Voyageur de l’intérieur, «décortiqueur» journalier, chirurgien ésotérique… André Sauvé est un philosophe du quotidien. Il remarque toutes ces petites choses qu’on fait (ou qu’on ne fait pas!) et qui changent le cours de notre vie. Entendre ce frisé électrisant décrire sa quête, c’est presque comme écouter du classique; tout est découpé avec soin. Il sait comment accorder parfaitement profondeur et trivialité, ainsi que spiritualité et concret. Sa voix possède un timbre noble, malgré ses inflexions loufoques et absurdes.

On ressent la personne anxieuse derrière le personnage de scène; on lui souhaiterait de prendre un peu son souffle! Mais ça fait partie de son génie, d’être quasi obsessionnel dans ses observations et dans son souci du détail… A priori, quelques propos peuvent sembler sans queue ni tête pris hors de leur contexte, mais en fait, les textes d’André Sauvé sont très travaillés. L’humoriste part de sujets un peu banals, très faciles d’accès à tous, et il les extrapole jusqu’à vouloir comprendre sa place dans l’Univers. Par exemple, il souligne que les rubans de scotch tape finissent toujours par se coller à la roulette, et que sortir un sac à vidanges alors que le truck arrive et que le téléphone sonne, ça relève d’affronter les aléas de la vie… Il voit grand à travers le petit, comme s’il possédait une loupe dans son arsenal mental.

Être sur son X: comprendre sa place dans l’univers

Devant un public très participatif, voire «loud», André Sauvé a donc dénoué les fils du quotidien, «dépoigné» une certaine boule d’angoisse existentielle, en exposant celle qui fut la sienne. Le frêle paquet de dynamite explique la crise existentielle qu’il a vécue, alors qu’il s’obstinait à «être un peintre en bâtiment» — à être ce qu’il sentait qu’il DEVAIT être. Même si la situation est loufoque (il a eu sa révélation dans la salle de bains d’une cliente!), on comprend vraiment ce qu’il veut dire lorsqu’il mentionne d’écouter «ça», alias la petite voix ou l’intuition. André Sauvé fait penser à un équilibriste qui a connu de nombreuses «dérapes», mais qui s’est finalement retrouvé. Maintenant, il marche sur ce fil ténu, en prenant bien soin d’avertir ceux qui le suivent de ce qui s’en vient en avant…

Les aléas, les détours… Quand est-ce qu’on doit persévérer, ou lâcher prise? Pousser ou relâcher? Dans quelle mesure pouvons-nous contrôler ce qui arrive dans notre vie; quelles sont les forces qui nous tirent vers notre destin, nous éloignent ou nous rapprochent de notre volonté? Telles sont les profondes questions abordées par l’humoriste. Il convient à chacun de trouver «son» juste milieu. Sauvé, un agent d’entretien spirituel, capable non seulement de ramasser le sable laissé dans les coins du quotidien, mais aussi de réunir ces grains auparavant épars, et de les faire fondre grâce à la chaleur de son projecteur interne — son «ça».

Le «nomade du dedans»

Bref, quel accès privilégié à l’expansion de la conscience de cet être filiforme! André Sauvé sera en spectacle jusqu’au 13 octobre au Monument-National. Il partira ensuite en tournée québécoise jusqu’en la fin novembre. Des supplémentaires à Montréal ont été ajoutées les 8 et 9 février 2019 au Théâtre St-Denis cette fois-ci. Pour entendre les réflexions poussées de ce «nomade du dedans», c’est par ici!

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