Andy Shauf

Andy Shauf au National | L’idôle introverti

Si on se plaint souvent que les foules dans les concerts sont de plus en plus jasantes et regardent la moitié du show sur leur téléphone, c’est peut-être parce que trop d’artistes leur proposent de la musique peu exigeante, qui n’impose pas assez le respect. Du moins, cette théorie nous vient en tête lorsqu’on constate l’immense respect voué par un National plein à craquer envers Andy Shauf, un artiste pourtant tout sauf une bête de scène tape-à-l’oeil.

On fait grand cas de son charme discret. Andy Shauf n’a pas la stature d’une vedette typique : il est tout petit, son visage est peu expressif, ses mouvements sont lents. Il communique peu aussi. Pas de « comment ça va, Montréal? », comme c’est malheureusement coutume dans les shows de musique. En fait, il s’adresse peu au public, et celui-ci n’attend rien de tout ce flafla habituel de sa part. Parce que c’est Andy Shauf.

L’artiste canadien est probablement en train de devenir une icône d’introversion. Pas seulement en raison de sa timidité assumée. Mais à l’écoute de son excellent troisième album, The Party, on y retrouve non seulement une musique toute en nuance, mais aussi une écriture narrative relatant les aléas intérieurs de personnages maladroits dans leurs petits souliers lors de fêtes sociales. Shauf fait un peu dans la « chanson d’observation », explore la psyché humaine du point de vue de l’inhibé. Et ça, personne ne le fait mieux que lui.

C’est pourquoi ceux qui apprécient Andy Shauf ne s’offusquent pas de le voir aussi stoïque sur scène, dans un environnement visuellement peu spectaculaire. C’est l’ouïe qui est caressée par la douce interprétation maîtrisée des chansons de Shauf et ses trois musiciens (qui comptent, notamment, le brillant Olivier Fairfield à la batterie, que l’on associe généralement à Timber Timbre et Last Ex).

En même temps, on peut dire qu’Andy Shauf est un peu victime de son succès. The Party a connu un succès d’estime considérable, qui se traduit tranquillement pas vite par un succès populaire croissant. Si bien qu’au moment d’annoncer son spectacle à Montréal, il y a environ 6 mois, c’était prévu au Ritz P.D.B., un bar pouvant accueillir tout au plus 250 personnes. Sous la forte demande, on a jugé bon déplacer le concert au National, où les quelques 800 billets ont tous été vendus.

Mais en fait, ce qu’on voyait au National vendredi était ni plus ni moins qu’une version plus grande de ce qu’on aurait vu au Ritz : les éclairages étaient minimalistes à souhait, la formation musicale réduite au minimum (alors que l’album regorge d’orchestrations qui embellissent les arrangements), la durée dépassant à peine la barre des 60 minutes. Un show à 20$ le billet, quoi, avec un artiste qui est pourtant véritablement au sommet de son art en terme d’interprétation, tout comme en terme d’écriture.

À la vitesse à laquelle vont les choses, il ne serait pas surprenant que Shauf revienne à Montréal dans les prochains mois avec une formation plus complète, des cordes et/ou des cuivres, dans une salle plus adéquate. Parce qu’il est rendu là. Andy Shauf a créé l’un des meilleurs albums de l’année avec The Party, et son spectacle devrait être à l’avenant. En fait, il l’est. Ne reste plus qu’à lui donner les moyens de ses ambitions pour passer au prochain niveau. The sky is the limit quand le matériel de base est aussi brillant.

Grille de chansons

  1. Alexander All Alone
  2. To You
  3. Twist Your Ankle
  4. You’re Out Wasting
  5. Quite Like You
  6. Drink My Rivers
  7. I’m Not Falling Asleep
  8. Begin Again
  9. Early To The Party
  10. The Worst in You
  11. Jenny Come Home
  12. Jerry Was a Clerk
  13. Eyes of Them All
  14. The Magician
  15. Wendell Walker

Vos commentaires

Sors-tu.ca vous recommande...