Arcade Fire

Arcade Fire au Centre Bell | Infinite Content, ou l’entrée dans les ligues majeures

Plusieurs soutiennent que le dernier album d’Arcade Fire représente son premier faux pas en carrière, et que le groupe a perdu de sa superbe. N’empêche, la tournée qui l’accompagne, titrée Infinite Content, démontre pour le meilleur et pour le pire que le groupe montréalais joue désormais dans la cour des grands de la pop, et y met toute la gomme pour atteindre l’exosphère du mainstream.

Photos en vrac

“They want to play with the Beyoncés, the Taylor Swifts. They will never be as big as some of those acts, but they want to play in the same field.”
– Scott Rodger, gérant d’Arcade Fire, en entrevue avec Pitchfork

Quand on se penche le moindrement sur Everything Now, l’intention semble effectivement assez claire : simplifier le message pour atteindre le plus grand dénominateur commun, tout en magnifiant le contenant. Et surtout, offrir un son accessible, des rythmes dansants, bref, tout ce qu’il faut pour plaire au grand public sans trop perdre de son appréciation critique.

Les textes n’ont certes plus la profondeur d’antan, et les constructions mélodiques ne portent plus cette signature peut-être plus intello que la moyenne des albums indie pop. Mais Arcade Fire a su créer quelques singles accrocheurs, à l’attrait immédiat, taillés sur mesure pour intégrer les listes Spotify et s’infiltrer au sommet des palmarès où ça compte vraiment de nos jours, c’est-à-dire dans l’univers du streaming.

Sans surprise, le spectacle est à l’avenant. On ne retrouve plus autant l’aspect viscéral des bons vieux concerts d’Arcade Fire où l’on pouvait entendre le moindre glissement des doigts de Win sur les cordes distorsionnées de la guitare électrique, ou percevoir ses cris d’angoisse qui proviennent des tripes, ou encore entendre craquer les peaux de tambour percées par les battements enragés de Will.

Tout ça, on l’a troqué pour une scénographie à la fine pointe avec une scène centrale, qui prend d’abord les traits d’un ring de boxe (avec les câbles, et une entrée à la Mayweather vs Pacquiao), et qui se transforme peu à peu en point pivot d’un spectacle son et lumière carrément hallucinant. Une mise en scène réglée au quart de tour, chaque chanson devenant un tableau en soi.

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On ne perd pas tout de la fureur des « belles années » d’AF, bien sur. Les chansons de Funeral, et autres Ready to Start portent encore les grandes émotions enivrantes qu’aucun mise en scène fancy pourrait effacer. Neighborhood #3 (Power Out), en particulier, jouit en fait de ces ingénieux tableaux visuels, le groupe jouant une partie de cette chanson dans la pénombre, avec tout juste ce qu’il faut de lumière pour imaginer un feu de rébellion dans une rue la nuit. Difficile de rester de marbre devant une telle démonstration de force musicale. C’est d’ailleurs peut-être l’avantage qu’Arcade Fire peut avoir sur les Beyoncé et Taylor Swift de ce monde : quand un band de 9 musiciens rockent à l’unisson, aucun DJ de starlette ne peut égaler ce genre d’intensité.

La nouvelle approche n’est pas sans humour non plus. Soulignons notamment le retour au rappel avec We Don’t Deserve Love, chanson que Win Butler a chantée DANS la foule, en lisant ses paroles sur l’écran géant, comme si le Centre Bell devenait un immense karaoké. Comique.

La sobriété de Neon Bible et The Suburbs apportait également un vent de fraîcheur, entre quelques titres plus pop aux éclairages en technicolor.

Certes, plusieurs fans de la première heure décrocheront (et certains ont même déjà décroché). Certains préféreront se rappeler l’époque où Arcade Fire jouait à la Fédération Ukrainienne sans décor ni mise en scène. Cette époque est révolue.

Mais on peut compter sur les doigts d’une main les groupes rock fédérateurs qui offrent ce genre de concert grand public au visuel aussi imposant. Finalement, Arcade Fire joue peut-être davantage sur le même terrain que U2 et Coldplay (plutôt que Beyoncé et Taylor Swift). Et entre U2, Coldplay et Arcade Fire, on préfère encore 1000 fois se faire servir des Wake Up à tout rompre que des quelconques Beautiful Day.

P.S. : Pour ceux que ça intéresse, le décompte officiel d’evenko indique 14 400 spectateurs, soit presque 3 fois plus qu’à Québec la veille. Et aux décibels, on aurait presque cru qu’on était 20 000… Bref, pas de quoi s’inquiéter.

Grille de chansons

  1. Everything Now (Continued)
  2. Everything Now
  3. Signs of Life
  4. Rebellion (Lies)
  5. Here Comes the Night Time
  6. Haïti
  7. No Cars Go
  8. Electric Blue
  9. Put Your Money on Me
  10. Neon Bible
  11. Neighborhood #1 (Tunnels)
  12. The Suburbs / The Suburbs (Continued)
  13. Ready to Start
  14. Sprawl II (Mountains Beyond Mountains)
  15. Reflektor
  16. Afterlife
  17. Infinite Content
  18. Creature Comfort
  19. Neighborhood #3 (Power Out)

Rappel

We Don’t Deserve Love
Everything Now (Continued)
Wake Up

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