Philippe Brach

Boum Dang Sangsue! | Quand Philippe Brach s’éclate la symphonie

Les fans de Philippe Brach qui s’attendaient à vivre un typique « spectacle pop symphonique »  jeudi soir à la Place des Arts ont probablement été surpris par la proposition à la fois distinguée et échevelée de Boum Dang Sangsue!, une soirée de type happening montée par Brach, avec les poètes de l’ordinaire Fabien Cloutier et Erika Soucy, ainsi que l’Orchestre de l’Agora. L’audacieuse proposition aura finalement atteint l’objectif : donner aux quelques centaines de spectateurs réunis le sentiment d’avoir vécu une soirée unique en son genre, tout sauf ennuyante.

Le titre du spectacle et l’assemblage des artistes proposés laissaient croire à un fouillis un peu absurde. Et en toute franchise, c’était un peu le cas. Volontairement. On voulait visiblement donner quelques coups de pieds dans la ruche, quitte à se faire piquer.

Mais alors c’était quoi, ce Boum Dang Sangsue! au juste ?  Une soirée de chansons pop symphonisées, oui, mais aussi de poésie, d’humour, de savoureux malaises et de grandes envolées musicales vertigineuses. Après tout, on est à la Maison Symphonique, et l’Orchestre de l’Agora, mené par le jeune prodige Nicolas Ellis, réunit près de 80 musiciens, alors on se doute bien qu’on va avoir droit à la belle grande musique.

Et doux Jésus que la belle musique a eu sa place pour briller.

 

Grand Art et petite culture main dans la main

Au départ, Brach, Cloutier et Soucy se sont pointés sur scène pour crinquer la foule avec une vigoureuse énumération des choses excitantes, jerseys du Canadien sur le dos.  Ça jouait à fond la carte du contraste entre les trois vulgaires amuseurs et les très distingués musiciens de l’orchestre. Le Grand Art avec des majuscules versus les amuseurs publics qui sacrent et parlent en joual.

Puis, « veuillez vous lever, et retirer chapeaux et casquettes, pour l’interprétation de l’hymne national du Canada ». Non, sans farce, levez-vous. Et s’ensuivit une magnifique interprétation du Ô Canada transposé en accords mineurs. Personne n’avait pensé faire ça avant, vraiment? Ça donne une toute autre perspective à notre chant patriotique, en tout cas. Les fleurons nous paraissaient soudainement autrement plus glorieux.

Après cette courte présence de 5 minutes tout au plus, les trois acolytes quittent la scène, et Ellis dirige sa troupe de main de maître.

Fait intéressant : c’est en arrivant sur place et en consultant le programme qu’on comprend que Brach ne sera pas vraiment présent de toute la première partie. Le public a acheté ses billets pour Brach, mais le chanteur, lui, voulait profiter de notre présence pour nous forcer à écouter une heure de musique classique.

À l’intermission, on a entendu un placier raconter à une connaissance, à haute voix, qu’un couple de spectateurs s’était levé, avait demandé au placier si « ça va être de même tout le long », puis aurait quitté. On ne sait pas trop s’ils sont revenus après l’entracte, mais une chose est sure : il n’était pas question qu’on leur serve de la musique classique un jeudi soir, non monsieur.

Tant pis pour eux, parce que la majorité du public a visiblement beaucoup apprécié l’expérience. Et pour cause! Le programme était généreux : Les Animaux modèles de Poulenc en 6 tableaux, le tableau 1 de Pétrouchka de Stravinsky et La valse de Ravel, avec tout ce qu’il faut de vigueur et de nuances. Des projections évoquant les aurores boréales, un feu vif ou encore des brasiers crépitant venaient ajouter à l’atmosphère.

Au retour, le programme disait « Brach Symphonique » et ce fut certes cela. Du beau travail sur la Fin du mondePakistan, La peur est avalanche et la magnifique Tu voulais des enfants.

L’ensemble vocal de l’école des jeunes est venu embellir La guerre (expliquée aux adultes) aussi. La magnifique mise en scène guerrière de cette pièce restera gravée dans les mémoires longtemps. Chapeau aux concepteurs vidéo qui ont vraiment bien habillé la salle avec toute sorte de visuels intrigants, ajoutant de l’étrangeté à la beauté ambiante (et parfois de la beauté à l’étrangeté ambiante).

Le tout était entrecoupé d’interventions plutôt comiques de Fabien Cloutier et Erika Soucy, des petits moments plein d’esprit, même si leur présence se greffait plus ou moins bien à l’ensemble.

Au final, on a eu l’impression d’assister à la première d’un grand spectacle qui gagnerait en force au fil des représentations. Sauf qu’il n’y en aura qu’une seule. La cruauté de cette rareté, de cette éphémérité fait partie du charme de l’opération. On ne peut que saluer les artistes (et leurs équipes) qui se lancent dans ces aventures improbables, surtout dans un marché aussi restreint que le milieu de la chanson québécoise.

Ça fait des soirées uniques, dont on reparlera plus tard en se disant « j’y étais, moi! »  Ou le regret d’être partis avant l’entracte.

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