Les Hôtesses d'Hilaire

Coup de coeur francophone 2018 | La consécration pour les Hôtesses d’Hilaire et leur folie!

Après deux ans à bûcher sur un projet aussi anachronique qu’un opéra-rock, et encore plus d’années à bûcher tout court, Les Hôtesses d’Hilaire avaient droit à leur moment de gloire jeudi soir au Club Soda. En ouverture de Coup de Coeur Francophone, le colosse-à-robe Serge Brideau, sa bande de proggeux psyché acadiens et leurs amis invités présentaient sur scène le spectacle Viens avec moi, un trip musico-théâtral complètement flyé, qui nous a fait rire, hué et trippé.


Les Hôtesses d’Hilaire ont toujours fait à leur tête, et c’est bien tant mieux. Sauf que faire à sa tête, ce n’est pas nécessairement synonyme de succès instantané. Souvent, il faut même travailler plus fort, plus longtemps, et laisser des projets fous de côté faute de moyens. C’est à la fois un constat réel dans le cas des Hôtesses, et la prémisse de fond de leur récit pour l’opéra-rock Viens avec moi.

Heureusement, il y a parfois des mécènes qui croient que les artistes devraient faire à leur tête, et qui souhaitent que les projets les plus absurdes (et les moins lucratifs) voient le jour. C’est le cas ici de Louis-Armand Bombardier, qui a permis la production d’un projet scénique qui n’a juste aucun bon sens sur papier.

Viens avec moi est une proposition pour le moins unique : ça rappelle vaguement les folies hippie de Michel Fugain, le psychédélisme Floydien, le rock expérimental d’Aut’Chose, et l’approche théâtrale déjantée et totalement assumée du Théâtre du Futur, à qui l’on doit notamment Clotaire Rapaille, L’opéra-rock et L’Assassinat du Président. C’est aussi fortement marqué par l’humour mordant de Serge Brideau et sa bande, qui n’ont jamais eu la langue dans leur poche pour décrier tout ce qui est commercial et cheap.

Dans Viens avec moi, Kévin (joué par Robin-Joël Cool) participe à un concours musical intitulé Pousse ta note et se fait avaler par la machine à cash, pendant que Serge quitte ses Hôtesses d’Hilaire par excès d’ego (d’où les huées, attirées par un méchant Serge qui se retourne contre son band tel un méchant de la WWE, avant de joindre les rangs de la pop générique qui manque de fermeté). C’est résumé grossièrement, mais le récit est moins important ici que la belle et grande liberté de création qui fait battre le coeur de cette production.

La grande actrice acadienne Diane Losier y joue aussi un rôle de narratrice, Anna Frances Meyer (des Deuxluxes) incarne l’avare imprésario Julia avec un aplomb fort étonnant, Les Hay Babies font office de choristes de luxe, et Lucien Francoeur apparaît à quelques reprises dans un soleil à la Télétubbies, comme le spectre empreint d’une grand sagesse du rock’n’roll. Ça fait une belle troupe de théâtre bien déjantée, tous visiblement très investis dans leurs rôles.

Les décors et accessoires sont patentés au mieux, avec quelques ingénieuses trouvailles dont un nez géant qui souffle de la poudre lors d’une scène où l’on explore les effets de la coke. Les projections ajoutent au psychédélisme de l’affaire. Mais plus que tout, le band est tight, la musique est bonne et l’esprit bon enfant des Hôtesses ajoute une couche sympathique à un propos pour le moins mordant, une réflexion cynique sur les pièges de la célébrité, qui est ouvertement inspiré d’un certain Acadien ayant remporté un certain concours musical il y a une quinzaine d’années…

Cette production ne pourrait pas tomber dans un meilleur contexte, après une semaine marquée par une sortie intempestive de Mario Pelchat qui revendique plus de reconnaissance au Gala de l’ADISQ pour les artistes les plus populaires. Les Hôtesses devraient lui offrir des billets pour une prochaine représentation, ça lui replacerait peut-être les idées…

L’opéra rock des Hôtesses d’Hilaire, Viens avec moi, sera présenté le le 15 novembre à l’Impérial Bell de Québec, ainsi qu’à Moncton, Edmundston et Caraquet. Aucune idée si ça reviendra un jour à Montréal, mais à voir la réaction du public réuni au Club Soda hier soir, il y aurait matière à en faire au minimum une courte résidence en 2019.

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