Fred Pellerin

Critique album: Fred Pellerin – C’est un monde

Fred Pellerin - C'est un monde Fred Pellerin C'est un monde

On sait depuis belle lurette – et même avant – que Fred Pellerin tricote les mots comme pas un, et les communique avec une sincérité désarmante. On savait aussi, surtout depuis Silence, qu’il n’y avait qu’un pas entre le conte et la chanson pour Fred Pellerin, une enjambée déjà franchie avec brio sur l’album de 2009. Mais avec C’est un monde, nouvel opus entièrement constitué de matériel original de sa plume et de celles d’amis, les qualités d’interprète de Fred Pellerin ne font plus aucun doute.

Conçu pour aider à combler une série de concerts annoncés à la va-vite pour l’été dernier, le contenu de C’est un monde n’a pourtant rien d’un travail bâclé, ni même d’une sympathique collection de chansons faite à la hâte.

Le deuxième disque solo du populaire conteur de Saint-Élie-de-Caxton regorge plutôt d’oeuvres sympathiques et achevées, déployées avec âme, conviction et plaisir.

 

Se mettre les mots des autres en bouche

Les moments forts sont nombreux: le texte de René-Richard Cyr pour Il faut que tu saches prend une dimension bouleversante dans l’élégant rock modéré de Pellerin et ses musiciens, le doux folk senti du père éloigné sur Rentrer chez nous (mis en mots par David Portelance) frappe le coeur de plein fouet et Ozone (un texte que Raymond Lafond « avait laissé traîné sur mon piano ») provoque une prise de conscience engageante sans être moralisatrice. La sentimentalité à fleur de peau de Vienne l’amour (Portelance, à nouveau) compte aussi parmi les faits saillants.

Le conte et le folklore ne sont jamais bien loin (Roland et La Complainte du Saint-Maurice) alors que la chanson comique de style cabaret fait sa niche sous la plume de Mathieu Lippé (Chanson cloche). Fred Pellerin nous sert même un bref blues amusant: Relish, ode à la beauté d’une « servante » de snack-bar écrite par Denis Massé du groupe trad Les Tireux d’roches.

Tous ces titres sont « ensandwichés » par deux jolis textes de Pellerin lui-même: la poésie saisissante sur un air de comptine (ou de berceuse, c’est selon) de C’est un monde et une cantilène d’espoir en La Mère-chanson.

 

Retenue et prudence

La réalisation de Jeannot Bournival, sobre et relativement conservatrice, laisse toute l’espace nécessaire à la voix maîtrisée de Fred Pellerin, même si plusieurs instruments (mandoline, contrebasse, violoncelle, clarinette basse, piano, trombone, cor français, harmonica) se côtoient à l’occasion. Un peu proprette, il est difficile de ne pas s’imaginer ce qu’aurait pu être C’est un monde avec un peu plus de gueule à ce niveau, avec des arrangements un brin plus éméchés, plus rustiques.

Cette sage décision ralliera sans doute un public plus large, qui sera à même de savourer les déclinaisons de langue raffinées et l’imaginaire riche des textes proposés.

Il faudrait songer à cloner Fred Pellerin, question de pouvoir laisser le chansonnier et le conteur explorer à fond chacune de ces deux facettes. Car en ce conteur de Saint-Élie-de-Caxton, le Québec possède également un chanteur et parolier d’exception.

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