Critique album | Joe Driscoll & Sekou Kouyaté – Faya

Joe Driscoll et Sekou Kouyaté - Faya Joe Driscoll et Sekou Kouyaté Faya

En novembre dernier, Joe Driscoll & Sekou Kouyaté dévoilaient le premier opus de leur récente collaboration, Faya, finalement disponible par chez nous. Brillant, éclectique et innovant, l’album expose une fusion afro-reggae à travers laquelle les deux jeunes musiciens déploient l’étendue de leur habileté technique et leur aptitude à synthétiser divers styles musicaux.

Faya, c’est l’improbable réunion de deux univers musicaux qui, sur le papier, ne semblent pas véritablement concorder. D’un côté, Joe Driscoll, artiste multiinstrumentiste américain qui s’est illustré à travers son utilisation singulière de la loopstation, et sa capacité à mixer des styles aussi variés que le hip-hop, le reggae ou la folk. De l’autre, le jeune virtuose du kora (un instrument traditionnel à 21 cordes de l’ouest africain) d’origine guinéenne, Sekou Kouyaté, dont la notoriété a grandi après avoir longtemps collaboré au sein du groupe de son cousin, Ba Cissoko.
Sur le papier oui, car les deux compères prouvent sur cet album que la musique est une nouvelle fois capable de transcender les frontières; et l’alchimie prend parfaitement.

 

« Invitation au voyage »…

Entre sonorités dub, hip-hop, et rythmiques ouest-africaines, Faya est un petit bijou de la musique world. Kouyaté utilise une panoplie de pédales d’effets à partir desquelles il parvient à construire des sonorités atypiques et un timbre caractéristique. C’est ce qu’on constate déjà sur le premier titre de l’album, Tanama. Le musicien Guinéen s’illustre sur son jeu rapide et ses solos frénétiques, à travers un son électrique qui nous fait vraiment douter de l’instrument effectivement employé.

Joe Driscoll accompagne généralement son acolyte sur une guitare rythmique, et met en avant ses capacités hétéroclites au chant. Rappeur (New-York, Faya), ou talentueux beatboxer (Birnakely), le jeune homme originaire de Syracuse privilégie l’anglais, et parvient brillamment à coupler ses influences hip-hop au phrasé plus musical de Kouyaté.

 

Métissage…

Cette belle aventure débuta lors du festival Nuit Métis à Marseillais en France en 2010… Quoi de plus significatif ? Kouyaté racontait alors peu après la formation du groupe : « He doesn’t speak any French, and I speak no English… but through music, we understand. ». Et c’est à travers les nombreux genres qui les ont influencés jusqu’alors que le duo parachève ces neuf titres remarquablement singuliers.

Driscoll vient puiser dans son univers à travers des rythmiques reggae/dub (Wonamati, Birnakely), où le kora s’efface un peu plus, et sur lesquelles Kouyaté amène parfois un chant plus rappé. À l’inverse, le jeune Guinéen vient exposer ses prouesses vocales sur des ballades aux accents ouest-africains (Passport, Ghetto Many), où Driscoll vient cette fois-ci soutenir son partenaire sur un jeu plus minimaliste et une expression vocale plus lyrique. Un bel esprit d’ouverture, mais c’est sans aucun doute ce que cherche à mettre en avant cet album.

 

… et connivence musicale

Faya introduit également deux petites merveilles qui témoignent de la complicité qui s’est créée entre les deux compères, et qui se dessine à travers les récurrents échanges vocaux et instrumentaux. Lady commence par une intro funk à la guitare, et Kouyaté vient répondre au kora sur les parties chantées par l’américain, puis accélère sur un pont à la fin du couplet. Il tient ce tempo infernal sur sa propre partie au chant, et explose sur un solo acoustique sur les ultimes mesures du morceau.

Sur New-York, Driscoll expose ses influences hip-hop à travers la manière dont il vient cadencer sa voix. Kouyaté s’illustre en entrecroisant des solos très rapides, aux sonorités électriques, qui rappellent le tapping à la guitare. L’ancien soliste de Ba Cissoko confirme ainsi son statut de « Jimi Hendrix du kora » qui lui avait été attribué à l’époque.

Tout au long de l’album, les deux acolytes révèlent un jeu déjà emprunt d’une vrai maturité musicale. Driscoll et Kouyaté communique à travers la voix et l’instrument, et dévoilent cette remarquable cohésion et tolérance l’un à égard de l’autre. Ils viennent ainsi joindre leurs horizons musicaux pour créer des pièces composites exceptionnelles (Zion, Faya), tout en rayonnant individuellement.
On en veut évidemment plus, mais l’on peut aisément présumer que ces deux talentueux jeunes musiciens nous réservent encore bien des surprises.

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