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Critique | Le Marillion Week-end 2015 à l’Olympia

Décrire ce qu’est le week-end Marillion à des non-initiés, et donner une impression juste de l’ambiance qui règne à l’Olympia de Montréal pendant cette célébration biennale n’est pas tâche facile. 

Pour faire court, voici les faits en gros: Marillion est un groupe rock qui a débuté sa carrière au tout début des années 1980. Longtemps étiqueté « progressif » – qualificatif dont il a tenté de se débarrasser de toutes les manières – Marillion a connu deux époques distinctes.

Premièrement, l’époque du chanteur Fish et son style coloré (évocateur du Genesis des débuts), avec ses textes mélangeant romantisme, délires alcooliques et paranoïa. Ensuite vint Steve Hogarth en 1989 qui, depuis, a construit avec les quatre autres musiciens un répertoire des plus variés, a développé le son du groupe pour lui faire emprunter diverses avenues (certaines plus heureuses que d’autres), et au niveau des textes a toujours su rester authentique.

Devenu indépendant au début des années 2000, et pouvant difficilement faire de longues tournées mondiales (question d’argent), Marillion a entrepris de célébrer avec ses irréductibles fidèles lors de « conventions », ou week-ends, tenus tout d’abord en Angleterre et en Hollande puis, par la suite, s’étendant à Montréal pour rejoindre son public nord-américain.

Ces week-ends sont une façon pour la formation d’en donner davantage à ses admirateurs, qui l’ont supporté contre vents et marées au fil du temps, en offrant trois concerts différents en trois soirs (ainsi que plusieurs activités durant le jour). En place à Montréal depuis 2009, le Weekend Marillion est une grande fête où tout peut tout arriver.

Vendredi: Anoraknophobia

L’édition 2015 a donné l’occasion au groupe de revisiter deux albums très différents. Tout d’abord vendredi soir, l’entièreté de Anoraknophobia fut jouée, dans l’ordre. Cet album de 2001 ne figure pas parmi les plus populaires du groupe, et quelques-unes de ses chansons ont été peu jouées au fil du temps.

Mais avant d’entamer le disque, Marillion a voulu faire plaisir aux Montréalais en ouvrant le concert avec Montréal, une chanson tirée de leur plus récent album et qui rend hommage à la métropole. À mi-chemin dans la pièce de 15 minutes, alors que la foule était déjà en transe, le système de son sur scène a flanché, les membres du groupe ne s’entendant plus jouer, et le concert fut donc interrompu – dans la bonne humeur – le temps de permettre aux techniciens de résoudre le problème. Dix minutes plus tard, Marillion est revenu sur scène et a entamé Between You and Me, le premier titre d’Anoraknophobia. Les festivités étaient lancées.

Si certains moments de l’album fonctionnent bien en spectacle, tels que Quartz et Map of the World, durant laquelle la foule, considérable, a brandi de petits drapeaux de divers pays, on se rend vite compte que la séquence de chansons ne fonctionne pas tout à fait en live, car le tout s’est un peu essoufflé avec When I Meet God et The Fruit of Wild Rose – très belles, mais pas les plus enlevantes en spectacle. Traditionnellement, le choix de l’album qui est joué le vendredi soir est souvent moins populaire. Malgré tout, il n’était pas inintéressant de revisiter ce disque, surtout que sa finale comprenant Separated Out, This is the 21st Century et If My Heart Were a Ball It Would Roll Uphill a tout de même donné d’excitants moments pour chacun des membres du groupe. La voix de Steve Hogarth était puissante, toujours aussi fascinante et ne donnant pas l’impression de vieillir.

Au rappel, le groupe a fait plaisir à ses fans avec la toujours appréciée This Strange Engine, et a terminé le tout avec la récente Gaza. Une bien belle soirée, mais le meilleur était à venir.

Samedi: Marbles

L’ambiance était définitivement plus survoltée dans la salle avant le concert du samedi. Marbles est un album double de 2004 que la grande majorité des amateurs de Marillion considère comme l’un des meilleurs de la formation, et visiblement, les personnes ayant choisi d’acheter un billet pour un seul spectacle durant le week-end (parmi les trois concerts proposés) avaient choisi ce soir-là. Il faisait chaud dans l’Olympia!

L’excellente The Invisible Man a ouvert le bal, avec projections et jeux d’éclairages élaborés pour tout le reste de l’album. La foule était suspendue aux lèvres du charismatique Hogarth, chaque moment d’émotion du chanteur étant ressenti par toutes les personnes présentes. L’entraînante Genie fut chantée par la foule entière, ainsi que la formidable Fantastic Place et ses électrisants solos signés Steve Rothery, celui-ci confirmant tout au long du week-end sa place parmi les plus grands guitaristes de l’histoire du rock.

Toutes les chansons de l’album double y sont passées, incluant l’épique Ocean Cloud d’environ 20 minutes, qui a donné l’occasion à chaque membre du groupe – Pete Trewavas à la basse, Mark Kelly aux claviers, Ian Mosley à la batterie – de démontrer l’étendue de ses talents.

Debout dans le public à regarder ces cinq hommes sur scène, près de la soixantaine, on ne peut qu’être ébahi par le fait qu’ils semblent aussi bons, voire meilleurs, qu’à leurs débuts, et que les cinq compères semblent toujours prendre un immense plaisir à jouer ensemble. Ça se sent, ça se voit, ça s’entend, et c’est sûrement là l’une des raisons pour lesquelles l’Olympia se remplit à chaque deux ans. Il y a une chimie très réelle entre le groupe et son public, et c’est ce qui rend cette célébration difficile à décrire. Ça se vit, tout simplement.

L’entièreté de Marbles fut jouée – incluant The Damage, la jolie Angelina, les rockeuses Don’t Hurt Yourself  et You’re Gone et, bien sûr, la puissante Neverland, durant laquelle Hogarth s’est donné corps et âme.

En rappel furent jouées Out of This World, King, et Sounds That Can’t Be Made.  À la fin de celle-ci, qui se termine par un magnifique solo de guitare de Steve Rothery, et alors que les musiciens s’apprêtaient à quitter la scène, la foule a repris au chant les notes de ce solo, ce qui a incité le groupe a reprendre leurs instruments et à jouer à nouveau une partie de la chanson. Moment magique.

 

Dimanche: les singles

Pour les amateurs de la première heure de Marillion, dimanche était la soirée à laquelle il fallait assister. Enchaînant l’un après l’autre les « singles », en ordre chronologique, le groupe n’a donc joué pendant les quarante premières minutes que des pièces de l’époque de Fish, telles que Market Square Heroes (ça débute un concert en feu ça!), Garden Party (Steve Hogarth de dire: « je ne la chante pas, VOUS la chantez! »), ainsi que le triptyque Kayleigh/Lavender/Heart of Lothian, qui furent chantées à pleins poumons par le public. Tous les gros titres y sont passés, y allant de Warm Wet Circles à Sugar Mice en passant par Incommunicado. De quoi ravir le plus nostalgique des fanatiques du groupe.

Ensuite ce furent les singles de l’ère Hogarth – la romantique No One Can, la rockeuse Hooks In You, l’acoustique Sympathy (magnifique moment durant lequel Hogarth était entouré de Rothery et Trewavas au milieu de la scène, avec Kelly à ses claviers et Mosley ayant quitté temporairement). On eu droit à une version alternative de The Great Escape (tirée de l’album Brave que le groupe avait joué dans son entièreté lors du Weekend Marillion 2013), ainsi que plusieurs autres titres :  Beautiful, These Chains, See It Like a Baby, Thank You Whoever You Are et Power, entre autres.

Au rappel, Marillion a fait plaisir à tout le monde avec son interprétation du classique Easter et, comme la veille, le public a continué de chanter à la fin de la pièce, poussant le groupe à reprendre ses instruments. Ensuite ce fut Man of a Thousand Faces que tout le monde a chanté, et la reprise (complète cette fois-ci!) de Montréal. Et pour finir, l’une des favorites du public en concert, Three Minute Boy, entrecoupée d’interactions avec la foule, de commentaires, etc., et toujours marquée d’un sublime solo de guitare et d’une performance énergique de la part du groupe, tandis que de grands ballons se promenaient dans le public (des confettis ont également été lancés plus tôt dans la soirée par des canons de chaque côté de la salle).

L’ambiance était à la fête, la bonne humeur, la joie. Il n’y avait que des sourires accrochés aux visages dans la foule. Ainsi que sur le visage de chacun des gars sur scène. Marillion a encore frappé fort avec un week-end très réussi, qui a certainement su faire plaisir à tous ses amateurs.

 

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