Orange mécanique

Critique | Orange Mécanique à l’Olympia de Montréal

L’adaptation théâtrale du livre (et chef d’oeuvre cinématographique) Orange mécanique était dévoilée jeudi soir à L’Olympia de Montréal.  Les attentes étaient forcément démesurées et le risque d’échec assez grand merci. La version québécoise de l’oeuvre controversée, mise en scène par Véronique Marcotte sous la direction artistique de Denis Bouchard,  allait-elle pouvoir relever ce défi éléphantesque ?  Hélas, pas vraiment.

Photo par Pierre Bourgault.

Photo par Pierre Bourgault.

Comptant sur un jeu généralement convaincant et quelques flashes de mise en scène ingénieux, Orange mécanique n’est pas le désastre qu’il aurait pu être, étant donné la lourde commande. Mais une oeuvre aussi traumatisante se doit d’être choquante, marquante, ce qui n’est tout simplement pas le cas.

Dès le départ, un narrateur (Roger La Rue) nous introduit à Alex (excellent Maxime Le Flaguais, qui se la joue légèrement Heath Ledger), le voyou adepte de viols et d’hyper-violence avec ses drougs (Danny Gilmore et Félix-Antoine Tremblay), qui se fera pincer par les autorités et se soumettra à une réhabilitation brutale, une méthode de conditionnellement cruelle et controversée.

Déjà, le choix de narration agace : la subtilité en prend pour son rhume avec ce narrateur extérieur au récit, qui ne fait que souligner des évidences.

Pour le reste, tout le récit, brillamment installé à coup de longues scènes par Kubrick dans son film de 1971, déboule ici à un rythme inutilement accéléré.

Des méfaits du puissant leader aux souffrances du vulnérable réformé, chaque action se précipite, ne laissant aucune chance au spectateur de ressentir la moindre haine ou pitié.

 

Une scène insoutenable

Tout va trop vite sauf cette infâme scène de viol, choquante et obscène à souhait, qui nous était dévoilée en temps réel et de façon sauvage. Inutile de dire que ça a jeté un lourd malaise au parterre. Un malaise nécessaire. La grossièreté de la séquence sera sans doute contestée par certains, mais on ne va pas voir Orange mécanique en espérant voir des licornes danser dans les prés.

Photo par Pierre Bourgault.

Photo par Pierre Bourgault.

La scène insoutenable, où Alex et ses drougs agressent gratuitement la femme d’un auteur dans son domicile et devant ses yeux, survient très tôt dans le spectacle.

Rien par la suite ne sera aussi percutant, les actions défilant à un rythme si accéléré qu’on s’y retrouve à peine.  Alex est en prison, hop il ne l’est plus. Oh, le voici présenté comme une bête de cirque par la Ministre de l’intérieur et vlan, le voilà qui se balance par la fenêtre. En moins d’une minute, on le retrouvera dans une chaise roulante, survivant et pauvre victime d’une expérimentation politique qui a tourné au vinaigre.

Pourquoi affliger à ce récit tout de même assez complexe une telle collection d’ellipses ?

Même les répliques, souvent bien tournées, n’ont pas l’impact qu’elles pourraient avoir en raison du rythme de la pièce. Les acteurs ne prennent pas le temps de laisser résonner les propos de leurs personnages.

L’adaptation du texte en français n’est pas tout à fait réussie non plus. Le ton franchouillard ne sied pas aux personnages. Il y aurait pourtant pu y avoir un travail très intéressant en convertissant le slang d’Anthony Burgess en joual québécois adapté au spectacle.  Une occasion ratée.

Du reste, la musique, gérée par un DJ présent sur scène, n’est pas inintéressante mais ne peut accoter le travail magistral de l’oeuvre cinématographique. Substituer Singin’ In the Rain par Ne me quitte pas lors de la troublante scène de viol n’était pas une vilaine idée. La prépondérenace de la Neuvième de Beethoven était aussi bien amenée.

Les adeptes du film culte constateront aussi que plusieurs aspects du récit ne sont pas abordés. Certains choix sont discutables. Les parents d’Alex ont été écartés du récit, évacuant du coup la vie familiale du protagoniste. Son retour en société après sa réhabilitation est ici fusionné avec la scène de démonstration publique de son état de vulnérabilité avec la Ministre de l’intérieur. La douce (et cruelle) revanche de l’auteur n’a pas lieu non plus.

Pour toutes ces petites raisons, Orange mécanique restera plus pertinent à voir sur pellicule que sur la scène de L’Olympia. Chapeau tout de même aux artisans de la pièce qui ont eu le courage de tenter le coup.

* Représentations prévues à L’Olympia de Montréal les 15 et 16 février, et 8 et 9 mars, ainsi qu’à l’Impérial de Québec du 20 au 23 février, puis à Gatineau et Sherbrooke en avril.

Photos en vrac
par Pierre Bourgault

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