Critique | Oxygène au Prospero

 L’illustre metteur en scène Christian Lapointe nous plonge dans l’univers d’un auteur russe avec le spectacle Oxygène, présenté au Théâtre Prospero jusqu’au 14 décembre. Créé sur scène pour la première fois en 2003 par Victor Ryjakov sous le nom de Kislorod, Oxygène donne lieu à un spectacle déstabilisant dont les thématiques demeurent nébuleuses…

Dès les premiers pas dans la salle de spectacle, on est légèrement déstabilisé : le cadre est le tableau familier d’une réception nuptiale extérieure. Sous un chapiteau blanc à fenêtres de plastique mou, les chaises sont disposées autour de tables rondes garnies de centres de tables d’où jaillissent des angelots blancs. La scène est un simple praticable surmonté de deux micros sur pied. Il y a même un bar accessible à l’entrée. À leur aise, les convives discutent jusqu’avec leurs voisins inconnus.

Par le côté entre Lui (Éric Robidoux) en veston et nœud papillon, qui semble nous déclamer un poème, mais qui entame en fait la narration de l’aventure des danseurs dans les poumons d’un gars, Sacha, un gars de la campagne tombé amoureux d’une belle fille de la ville, Sacha elle aussi.

Photo de courtoisie, par Matthew Fournier.

Photo de courtoisie, par Matthew Fournier.

Il répète comme un refrain cette histoire des danseurs de poumons, qui sont l’oxygène du gars, tout au long de son monologue sur ses amis Sacha et Sacha, mais lui-même bouge à peine, emprisonné par son micro. Il n’effectue qu’une étrange chorégraphie de mains et de bras, reprise et bonifiée durant l’acte, en chœur souvent avec Elle (Ève Pressault). Elle, c’est la mariée, en robe blanche comme il se doit.

 

Et pourquoi le mariage ?

On ne peut s’empêcher de se demander pourquoi, d’ailleurs, ce contexte de mariage ? Les deux personnages y font très peu référence, alors que le décor est complètement axé sur cet aspect.

Photo de courtoisie, par Matthew Fournier.

Photo de courtoisie, par Matthew Fournier.

Aussi, le fait que l’action se déroule en Russie est étrange : cela ne fait qu’augmenter la confusion, et les spectateurs auraient pu bénéficier du point de repère qu’eut été la transposition du texte au Québec (ce qui se serait fait plutôt aisément puisque nous connaissons également la dualité urbanité-ruralité dont il est question dans l’histoire de Sacha/Alexandre et de Sacha/Alexandra).

En fait, avant qu’une référence à la Russie soit faite, on prend pour acquis que l’action prend place quelque part au Québec, vu le langage familier employé par les acteurs et les thèmes tout à fait communs à notre culture qui étaient abordés par les deux interprètes.

Honnête et semé de sarcasme, le texte d’inspiration folklorique et biblique d’Ivan Viripaev est mis en scène par Christian Lapointe, qui par un univers coutumier, de nombreuses références à notre mode de vie contemporain et des bris judicieux de conventions théâtrales a su créer un lien étroit avec son public.

Au rythme serré des flots de paroles répétées sous forme de refrains, de musiques électro-pop un peu passées et sous l’éclairage varié et parfois brutal qui transportent rondement Oxygène, le texte en soi tend d’abord à se perdre. Toutefois, le rythme bien installé, l’effet général devient plutôt hypnotisant.

Mais quel est le sujet d’Oxygène ? C’est une question que l’on continue à se poser en sortant du Prospero. Ça parle certainement de sexe, ça essaie de parler d’amour et ça essaie de parler de politique et de tabous. Les thèmes plus sérieux sont abordés un peu de travers, c’est-à-dire trop vite et sans que l’on ait compris pourquoi ils ont été amenés…

La performance a été accueillie très chaleureusement par le public, qui a réclamé avec persistance un rappel de saluts – qui ne lui a étonnamment pas été accordé.

On en sort pourtant un peu confus mais pas nécessairement déçus : incertains du sens de ce texte mais ivre de stimulations visuelles et auditives.

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