Ceux qui l'ont connu

Critique théâtre: Ceux qui l’ont connu à L’Espace Libre

Malgré la fin de la saison régulière, l’Espace Libre ouvre ses portes à la Troupe Leitmotiv, qui présente un texte de Suzie Bastien, Ceux qui l’ont connu.  Les deux fondateurs, Adam Faucher et Marie-Pier Simard, en sont à leur troisième création, qui traite cette fois-ci des traces que laissent les mots au moment d’un suicide.  Avec Kim Cormier, Marielle Grenier, Nora Guerch, Rocky Manseau, Marie-Christine Raymond et Kevin Sauvageau.

Dans l’appartement d’un écrivain apparemment connu, les feuilles s’entassent, mais rien pour intéresser qui que ce soit.  Il prend soin de ne laisser que la lettre qui explique son départ.  La voisine le surprend juste avant qu’il ne passe à l’acte, lui souffle une phrase à l’oreille.  La phrase qui achèvera de lui donner du courage pour se jeter en bas.

Puis la compagnie débarque, y allant tantôt de leurs reproches, tantôt de leurs hommages, mais tentant surtout de s’accaparer celui qui n’est plus.  Et c’est dans ces instants de compétitions malsaines de qui l’aura mieux aimé que ça devient intéressant.  Le texte est bien bâti sur ces jalousies et rappelle à quel point le deuil fait rejaillir la maladresse et l’aveuglement avec lequel les êtres s’aiment.

La mise est scène exprime parfaitement les défaillances de l’amour étouffant grâce à des chorégraphies scéniques précises et aux démarches typées des personnages.  Le suicidé est toujours présent physiquement, amenant ses proches à s’arracher la dernière danse avec lui, ou encore à nous démontrer la relation qui les animait.  Le thème principal ne réside pas dans l’acte du suicide, mais plutôt dans l’échange des mots qui sont enfin dits, dévoiler à tous sans plus de retenu puisqu’à quoi bon, il n’y est plus.

La représentation a mis du temps à gagner sa vitesse de croisière, et c’est à l’arrivée Jeanne (Nora Guerch) qu’un vent de fraîcheur s’est insufflé sur le spectacle.  Le personnage et son interprète détonnaient enfin du ton un peu précieux du début.  La mère aussi, interprété merveilleusement par Marielle Grenier, amenait une cassure et un humour dont on n’aurait su se passer, de peur d’être enseveli de lourdeur.

Beaucoup de mouvements certes dans l’exécution, un texte vif, mais tout de même monochrome, de belles performances inégales malgré tout et une fin sublime dans la bouche de Marie-Christine Raymond.  Ça vaut la peine que pour ce dernier monologue.

La pièce est présentée jusqu’au 30 juin à l’Espace Libre, à 20h.

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