Critique théâtre | Chaîne de montage au Théâtre Quat’sous

Chaîne de montage est une création socio-politique du Théâtre du Carrousel et du Théâtre Quat’Sous. Ce pointilleux texte de Suzanne Lebeau choque et émeut par la violence des faits qui l’ont poussée à nous envoyer ce cri du cœur mis en scène par Gervais Gaudreault.

Seule sur scène, Linda Laplante se recueille sur les morts violentes de femmes et jeunes filles de la Ciudad Juarez, ville frontière du Nord du Mexique, avant de nous exposer les chiffres de son indignation. Dans un décor moderne et épuré, elle nous raconte les conditions dans lesquelles sont apparus les mutilations, viols et meurtres non répertoriés et impunis de milliers de femmes à Juarez depuis 1993.

Malgré l’horreur évidente des crimes qu’elle nous relate, l’actrice ne parvient pas à établir de connexion avec le public avant le deuxième tiers du spectacle. Les nombreuses questions que le personnage se pose depuis son confort nord-américain ont malheureusement peu d’écho, dû à un certain manque de conviction. Aussi, les nombreuses répétitions nuisent quelque peu à la fluidité du spectacle, et le flou entourant l’identité du personnage (qu’on comprend être l’auteure, après recherches) gêne l’intelligibilité du propos.

Photo de courtoisie

Photo de courtoisie

 

Interpeller les spectateurs

 Le thème, toutefois, est on ne peut plus pertinent, surtout vu le lien direct que l’on peut établir avec les meurtres, viols et disparitions de femmes autochtones très près de nous, auxquels peu d’enquêtes sont consacrées. On laisse ces femmes « disparaître » à cause du peu de valeur qu’on leur accorde.

Chaîne de montage est une pièce qui a pour mission de nous sensibiliser au sort de ceux et celles qui vivent tous les jours dans la peur de se faire enlever et violenter aux limites de l’imaginable, mais aussi aux conséquences de nos choix de consommation : au petit pouvoir que nous avons de refuser d’encourager ce type de violence impunie. Efforts visant à briser le cercle vicieux de l’argent, du pouvoir et de la mort, qui fait loi dans une ville déchirée entre les différents cartels de drogues et les intérêts multinationaux.

Bref, malgré un manque de dynamisme scénique, Chaîne de montage est un spectacle troublant et percutant, dont les listes hantent et font frissonner d’horreur.  À voir pour ne pas oublier de garder les yeux ouverts aux injustices criantes, notamment à celles qui sont malheureusement encore inhérentes à la condition féminine.

Pièce présentée jusqu’au 21 novembre au Quat’sous.

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