Dans l'ombre d'Hemingway

Critique théâtre: Dans l’ombre d’Hemingway au Théâtre Jean Duceppe

Inspiré très librement d’une tranche de la vie du célèbre auteur, Dans l’ombre d’Hemingway ouvrait la saison mercredi chez Duceppe. Mettant en vedette l’indétrônable Michel Dumont, la pièce est issue de l’admiration inconditionnelle de l’auteur, acteur et metteur en scène Stéphane Brulotte pour Hemingway, et sera présentée jusqu’au 3 décembre 2011. Portrait d’un homme détruit, mais jamais vaincu.

Nous sommes à La Havane en 1950. Hemingway n’a rien écrit depuis 84 jours, et l’arrivée de sa muse italienne fait poindre un espoir d’inspiration, mais en vain. L’homme bourru, alcoolique et surtout récemment démoli par la critique ne voit en l’amour de la jeune aristocrate qu’un échec de plus dans sa tumultueuse carrière amoureuse.

Grâce au texte truffé de savoureux gags et de situations cocasses, ce récit d’amour impossible, pourtant cent fois remâcher, apparait crédible et tout à fait attachant.

Rien de nouveau sous le soleil, mais de bons moments en compagnie des personnages magnifiquement interprétés. Linda Sorgini, en mamma italienne, offre le parfait équilibre entre castration et amour inconditionnel pour sa fille unique, la sublime Adriana, une Bénédicte Décary si parfaite qu’on la croirait directement sortie d’un livre.

Que serait Cuba sans un Cubain dévoué, personnifié dans un espagnol irréprochable par Marc Legault et, comme derrière chaque grand homme se cache une femme (ou plusieurs), Marie Michaud complète le tableau dans le rôle de la résignée, mais fidèle Mary, la quatrième femme d’Ernest. Dans une scène marquante où le personnage a trop bu, elle devient poignante de vulnérabilité et de vérité. Beaucoup de beaux moments dans la soirée, appuyés par des projections flamboyantes de décors sud-américains et de pensées de l’auteur lui-même.

Un Hemingway qui nous ressemble

En aucun temps le public n’a senti de décalage temporel ou géographique; on aurait pu se trouver dans le Québec contemporain tant les personnages étaient accessibles, tant les dialogues allaient de soi et coulaient comme l’alcool dans les gosiers. Michel Dumont, qui décrivait le Hemingway de Brulotte comme plus grand que nature, pourrait faire aisément partie de nos vies, et même de nous. Car le personnage peut être plus grand que nous, mais maintenant que nous avons eu droit à l’homme et ses faiblesses, on se dit qu’on est tous pareils.

 Bravo à Michel Dumont pour sa constance, on a beau lui en chercher des faiblesses, on ne lui en trouve jamais.

Terminons par une citation… « J’pourrais manger de la soupe à l’alphabet et chier de meilleurs livres. » Hemmingway, en parlant de Faulkner.

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