La noce

Critique théâtre: La noce au théâtre Prospero

Le Théâtre de la Veillée accueille de nouveau au Prospero la pièce La noce de Bertold Brecht, jusqu’au 11 février.  Mettant en scène les acteurs Paul Ahmarani, Alex Bisping, Enrica Boucher, Stéphanie Cardi, Denis Gravereaux, Frédéric Lavallée, Isabelle  Leclerc et Diane Ouimet, la pièce originale est revisitée de façon déroutante par Gregory Hlady.

D’entrée de jeu, le spectateur est interpellé par le personnage de la mère (Diane Ouimet),  qui accueille en allemand jusqu’aux retardataires.  Elle prépare la table pour ce qui s’avèrera être un repas occupé.  On chante, on boit, on rit, on jase – sous toutes apparences d’une noce normale – sauf dès qu’ils se mettent à railler, moquer, baiser, brailler et même frapper. Toutes pulsions sortent de tout un chacun sans barrière aucune.  La surprise s’empare du spectateur, le fossé entre les mots et les gestes est si profond qu’on ne sait plus où se mettre.  Tous les sous-entendus ordinairement cachés sont ici mis à nu, littéralement. Cette mécanique, soutenue tout au long de la pièce fonctionne, mais n’est pas forcément agréable.

Le rythme aussi est déréglé.  Les phrases sont parfois coupées par l’action d’un autre personnage, pour reprendre quelques secondes, voire minutes plus tard.  Au son d’une cloche, le chaos s’arrête, pour reprendre de plus belle. Les personnages sont dénués d’inhibition, et les acteurs sont déchainés.  Ahmarani se détache du peloton, pas tant par sa présence que par la nature de son personnage, vicieux et pervers, antipathique à souhait.  Stéphanie Cardi impressionne par sa fluidité physique, ses nuances et son aplomb.  Quant à Enrica Boucher, elle relève le défi de l’hystérique insupportable.  Tous se démènent et le spectateur est soit conquis, soit confus.

Ce qui fait de La noce une pièce toujours d’actualité,  c’est que l’humain, après presque un siècle, a encore de la difficulté à accepter son côté animal et croit arriver à le camoufler derrière les artifices imposés par la famille, le milieu, la société. La lacune dans la version de Hlady réside dans le manque de gradation.  On plonge trop rapidement dans le vif, alors que si on assistait à l’ordre avant la déchéance, l’impact serait amplifié.  Ceci dit, on aime ou on déteste, il n’y a pas de zone grise.

 

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