Critique théâtre | Les deux voyages de Suzanne W à l’Espace Go

Créée tout d’abord à Paris par le metteur en scène et scénographe Marc Lainé, Les deux voyages de Suzanne W s’est installée à Montréal, depuis peu sur la scène de l’Espace Go. Ce «road trip» théâtral à la scénographie des plus ingénieuses se situe quelque part entre le théâtre, le cinéma et le spectacle de musique. À travers les routes du Grand Nord se déroule une quête de soi et de l’autre, intense et touchante.

Suzanne – Sylvie Léonard qui offre une belle interprétation sensible – une cinquantenaire désabusée embarque dans sa voiture, vestige de son mariage qui n’a pas duré, pour rejoindre une amie à Winnipeg. On ressent, avec une certaine tendresse, toute la fébrilité et la candeur de cette femme sans histoire prête à partir à l’aventure. Au détour d’une forêt, elle embarque un auto-stoppeur, Tom – Pierre-Yves Cardinal est des plus convaincants dans les traits du jeune homme tourmenté et secret – qui désire se rendre jusqu’à la Baie-James retrouver une ex-amoureuse qui l’a abandonné, comprendre le mystère de sa fuite.

Suzanne et Tom prendront place tous deux dans cette vieille auto, posée directement sur scène et entourée de deux écrans sur lesquelles défilent des images de la route et des forêts qui les mèneront à ce petit village éloigné. Sur un autre écran installé au-dessus de la scène on y voit l’intérieur de la voiture donnant l’impression de regarder un film. À votre guise, vous pourrez suivre le récit soit sur la scène soit sur l’écran sur lequel vous vous retrouverez un instant sur une route perdue et l’autre instant dans un petit motel paumé.

On délaisse rapidement le badinage, la dynamique du duo prend une autre tournure, les tempêtes intérieures se dévoilent. C’est vers Waskaganish que ce couple improbable se dirige à la recherche de Joe, l’amoureuse qui s’est enfuie… Cette femme mystérieuse au tempérament instable les accompagnera tout au long de leur route par ses chansons très poétiques baignées par sa voix chaude et enveloppante. Cette Joe qui obsède autant Tom que Suzanne est interprétée par la comédienne française Marie-Sophie Ferdane qui nous offre une prestation captivante, elle habite chaque morceau de son personnage, une belle découverte.

Et pour envelopper cette longue traversée, la trame sonore a été confiée au groupe franco-américain Moriarty. Directement sur la scène, le quatuor aux sonorités blues rock accompagne à merveille le récit, lui donnant le rythme et le dynamisant par moment, prenant même part à l’histoire.

Bien qu’on puisse reprocher quelques phrases clichées dans le texte, une aventure un peu trop « propre » pour ces routes du Grand-Nord, on ressort de la salle touché par ce texte sensible et par la quête de soi de ces personnages.

 

 

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