Orphelins

Critique théâtre: Orphelins à La Licorne

Photo par Suzane O'Neil

Orphelins, la dernière née de Dennis Kelly (traduction de Fanny Britt), prend possession de la salle principale de La Licorne jusqu’au 18 février.  Avec Maxime Denommé à la barre, les comédiens Steve Laplante, Étienne Pilon et Évelyne Rompré naviguent en eaux troubles et emportent avec eux les spectateurs sidérés.  Une pièce coup-de-poing à ne pas manquer.

Dès les premières phrases, on reconnaît le style direct et hachuré de Kelly.  D’emblée, les personnages sont clairs mais intrigants; la table est mise pour une brochette d’ingrédients gagnants.  Un texte raffiné, narguant le quotidien et le sublimant du même coup par l’invraisemblance des rebondissements.  Des personnages attachants dans toute leur humanité imparfaite et leur décision hautement émotive.

Un questionnement social

Quand Liam entre chez eux couvert de sang, Hélène et Dany n’ont autre choix que de croire sa version décousue de l’évènement.  De là s’enchaîne un débat sur la responsabilité, celle qu’on a face aux autres, proches parents ou purs inconnus, celle qu’on a face aux autorités, mais surtout, la responsabilité qui incombe trop tôt, dans l’enfance, lorsque toute l’unité familiale s’écroule.  Où est la limite de l’implication de chacun face au malheur de l’autre?  Quand la déresponsabilisation des agresseurs s’arrête-t-elle, lorsque leur état mental est stable?  Lequel ne l’est jamais s’il commet un acte irréparable… L’actualité du propos de cette pièce est indéniable,  elle traite de violence, de racisme extrémiste, de relation familiale et surtout de l’individualisme qui a ostensiblement gagné du terrain ces derniers temps.

Un trio d’acteurs qui fait vivre la pièce avec ardeur

Photo par Suzane O'Neil

Du débat social se détache un travail d’acteurs en parfait contrôle d’un texte pas toujours simple dans sa structure.  Le spectateur peut se délecter de la maladresse des personnages et même rire aux éclats au milieu d’une crise qui n’a pourtant rien de comique.  Étienne Pilon brille dans sa dégaine de mouton noir en manque d’attention, qui peine toujours à se relever de la perte de ses parents.  Steve Laplante, quant à lui, est décapant de vérité, incarnant le chum compréhensif, bouc-émissaire, dans une énergie très pince-sans-rire, voire cérébrale. La femme complétant le tableau, jouée par Évelyne Rompré, manque parfois de nuances et de fluidité.  Des trois, elle est celle dont on visualise facilement le découpage textuel et son corps semble figé parfois pour des raisons inexpliquées.  Ceci dit, l’émotion passe et le résultat épate; une assistance clouée à son siège, réveillée de sa torpeur par les applaudissements.

Le talent de Kelly pour raconter des fables qui nous rejoignent, socialement et personnellement, est indéniable et ce trio marquera certainement les spectateurs de La Licorne.  Si la violence engendre la violence, espérons que la règle s’appliquera sur le succès d’Orphelins.

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