Critique théâtre | Scalpée à l’Espace Libre

Présentée du 24 janvier au 9 février à l’Espace Libre de Montréal avant de s’installer au théâtre de la bordée de Québec en mars 2013, la pièce Scalpée traite des pertes soudaines et vives dont sont affligés les gens tôt ou tard.  Comme toile de fond, la crise d’Oka et la crise identitaire d’un peuple déraciné et scindé.  L’auteure Anne-Marie Olivier signe ici sa quatrième pièce, et s’est entourée de la metteure en scène Véronique Côté et des acteurs-auteurs Steve Gagnon et Édith Patenaude.

C’est une Anne-Marie Olivier désarmante et désarmée qui salue la foule après la première de ce récit qu’elle tient à bout de bras et défend corps et âme.  Définitivement impliquée et soulevée par sa propre histoire, la comédienne se démarque de ses collègues par son intensité et sa proximité aux mots.  Sa poésie prend plus de temps à couler de la bouche des deux autres interprètes, et le début de la pièce tarde un peu à nous accrocher.  Mais une fois les personnages mieux définis, des images troublantes arrivent à nous marquer au fer rouge.

Il y a la mère, Élise, qui travaille dans un pénitencier et qui cache la vérité à son fils, Charles, qui lui joue aux jeux vidéo en cherchant un sens à l’existence, croyant son père mort.  Et finalement il y a Dorothée, survivante d’une peine d’amour.  Pour imager les blessures, les créateurs ont eu recours à des moyens peu orthodoxes; des coups de feu assourdissants et saisissants.  Une femme tête rasée qui se douche avec de la boue sur l’air d’opéra Lascia ch’io pianga (laissez-moi pleurer mon sort cruel et aspirer à la liberté), une scène mémorable et très poignante.  Et pour dessert, l’utilisation de viscères de gibier lors d’une scène d’amour torride finit d’imprégner la mémoire de façon définitive.  Anne-Marie Olivier a cette fois choisi d’explorer notre rapport avec la nature, le rapport chasseur-proie, entre l’Homme et l’animal, entre l’Homme et l’humain, entre la bête et la bête.

Ce qui ressort le plus de ce spectacle, c’est le côté personnel. Olivier a l’air d’en faire son combat, elle qui a découvert récemment ces origines amérindiennes.  Dans ces textes, on trouve toujours un éditorial social et politique assez fort, mais cette fois-ci, il y a quelque chose en dessous de beaucoup plus profond et de plus à vif encore que ces autres pièces, quelque chose qui n’est pas guéri et qui est moins beau à voir.  Elle est un cœur sensible qui ne s’est pas abstenu, et c’est tout à son honneur.

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