Danse mutante

Danse mutante de Mélanie Demers au OFFTA | Première étape d’un relai chorégraphique inusité

Le OFFTA est une manifestation artistique créée en marge du FTA, mettant à l’avant-scène des jeunes créateurs en arts vivants dont la démarche est un bon indicateur des nouveaux courants en théâtre, danse et performance. La 12e édition s’est ouverte vendredi soir au Monument-National avec un projet hors du commun de Mélanie Demers, entamant un relai chorégraphique qui se développera sur trois continents et qui trouvera sa résolution à Montréal l’année prochaine.

Mélanie Demers, dont on se souviendra qu’elle a reçu le Prix du Conseil des Arts et des Lettres du Québec pour la meilleure œuvre chorégraphique avec Would en 2015, a eu un éclair de génie en mijotant le projet fou de Danse mutante. C’est elle qui a choisi les trois autres femmes chorégraphes qui déclencheront chacune par sa vision artistique un processus de mutation poussant l’œuvre naissante vers une création dans sa pleine maturité dans un peu plus d’un an.

Les trois autres chorégraphes sont Ann Liv Young de New York, Kettly Noël de Bamako et Ann Van den Broek d’Anvers/Rotterdam. Chacune aura trois semaines de travail sur le fond et la forme multidisciplinaire de Danse Mutante pour opérer sa mutation à partir de la précédente et ainsi amener l’œuvre plus loin. « Trois prêtresses de la danse, trois sorcières dont j’ai peur », confiait Mélanie Demers.

Les deux mêmes interprètes en pérégrination qui devront s’ajuster à chaque nouvelle mutation sont Francis Ducharme, aussi bon danseur que bon comédien, et Riley Sims. Un réel défi à l’aveugle pour eux qui ne connaissent même pas les trois autres chorégraphes avec qui ils vont travailler, leur sensibilité artistique, leur esprit créatif, leur âme dévolue à l’oeuvre, plongeant ainsi tête première dans cette aventure qui n’a pas de précédent.

* Photo par Christian Brault.

La première étape, signée en collaboration avec les interprètes, ne fait pas plus de 30 minutes. Au-dessus d’un plateau nu d’une blancheur virginale sont suspendus dix micros au bout de fils noirs de différentes longueurs. Les deux danseurs en sous-vêtements blancs, portant des espadrilles blanches et munis de protège-genoux blancs aussi, offrent une performance étonnante, compte-tenu du peu de temps de travail qu’ils ont eu avec la chorégraphe.

Postés au centre de la scène, ils commencent par se maquiller grossièrement sans miroir. Enfilant ensuite une paire de gants légers en dentelle blanche, ils se lancent dans un duo très physique, leurs corps similaires étant presque nus ou accessoirement enveloppés d’une catalogne pour toute protection.

* Photo par Christian Brault.

D’une belle et forte énergie, ils ponctuent leurs mouvements en scandant avec fureur un texte de trois pages pondu par la chorégraphe à partir duquel ils ont ajouté leur propre travail d’improvisation.

En français pour Francis Ducharme et en anglais pour Riley Sims, on distingue des phrases comme « Je suis le corps du Christ, je suis mélancolie, je suis femme fatale » ou encore « I am a bacteria, I am a nigger ». La chorégraphe a voulu une exécution très charnelle, dans un contexte affirmé de cannibalisme entre les deux interprètes.

Qu’est-ce qui restera au final du travail chorégraphique de Mélanie Demers constituant la rampe de lancement de cette œuvre de tous les dangers? Il faudra attendre le résultat artistique de la dernière mutation l’an prochain pour répondre à cette question. Mais on peut dire déjà que c’est très bien parti.

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