Don Juan revient de la guerre au Prospero | Un peu froid

crédit photos: Nicolas Descôteaux

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Ödön von Horvath, l’auteur de Don Juan revient de la guerre, actuellement à l’affiche au Théâtre Prospero, est mort à Paris en 1938 d’un accident bête : en sortant d’un cinéma des Champs-Élysées, un violent orage éclata et il fut atteint mortellement par une branche d’arbre cassée en face du Théâtre Marigny. Il n’avait que 37 ans, et il ne verra jamais l’Amérique vers laquelle il se destinait, tout comme son Don Juan en soldat allemand ne retrouvera jamais sa fiancée dans cette Allemagne d’après-guerre où les femmes ont changé, au grand détriment de son mythe de séducteur impénitent.

Le Don Juan de Horvath, qui a donc peu à voir avec celui de Molière ou même chez Tirso de Molina, est transporté dans une Allemagne humiliée par l’issue de la guerre. Don Juan, incarné ici avec trop de raideur par Maxim Gaudette, revenu épuisé, malade de la grippe espagnole et en perte de ses moyens, est complètement délesté de sa superbe d’aristocrate frivole.

Dans sa pièce chorale en 24 tableaux où le héros déchu s’acharne à retrouver l’une de ses fiancées d’avant la guerre, l’auteur ne fait pas de concessions. Les six comédiennes se partageront pas moins de 35 personnages de femmes représentant chacune une facette de la fiancée recherchée. Mais, elle est morte. Et la soumission venue de la séduction n’y étant plus, le fil dramatique se perd en de trop nombreuses rebuffades.

Comme sortie d’une toile d’Edvard Munch, Marie-France Lambert qui a déjà joué Phèdre et ça paraît, a son lot de répliques bien senties exposant cette nouvelle affirmation de liberté de la part de toutes les femmes. Et Évelyne de la Chenelière a suffisamment de texte pour montrer qu’elle est autant bonne comédienne qu’auteure de théâtre importante.

Elles ont été bien dirigées, comme les autres d’ailleurs par Florent Siaud, celui-là même qui a fait connaître Ivan Viripaev avec son brillant Illusions à ce même théâtre en 2015. Lyonnais d’origine, le jeune metteur en scène qui a écrit une vingtaine de pièces de théâtre jouées surtout en Europe, aura réussi à se faire remarquer ici au cours des dernières années avec des œuvres fortes. En plus d’un opéra l’été prochain en Suède, Florent Siaud signera trois nouvelles pièces en quelques mois, dont prochainement la création québécoise, sa première, de Toccate et Fugue d’Étienne Lepage au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.

Mais son Don Juan au Prospero ne réussit pas à créer l’émotion à vif, à faire ressentir avec force ce mélange équivoque entre passion et vilénie qui sous-tend le donjuanisme.

crédit photos: Nicolas Descôteaux

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