Haemorrhage

Earslaughter Jour 2 aux Katacombes | Mets internationaux dégoulinants (3 juin)

Samedi soir, deuxième jour du festival grindcore Earslaughter aux Katacombes, dix groupes ont présenté leurs mets typiques, savamment concoctés. Le public fut moins nombreux : seuls de courageux récidivistes ont eu la capacité de digérer ce mélanges d’épices des plus dissonanntes.

Malheureusement, trois groupes ont dû annuler leur présence – des imprévus, qui ont été bien gérés. L’entrée au Canada a été refusée pour Siege et Fiend. Pour des raisons de santé, le guitariste de Haggus a dû retourner d’urgence en Californie, donc le groupe n’a pas pu jouer. En remplacement, Blood jouera un setlist différent, et les groupes Deboned, Mortlach, Pas Fin et Act of Disorder seront également présents.

Dégustation des spécialités

Une sorte de «battle of the bands» propose d’ouvrir le spectacle. Sensory Deprivation (duo batterie-guitare de Trois-Rivières)  joue contre Reeking Cross (quatuor de Virginie). C’est plus ou moins clair, car le guitariste fait partie des deux équipes et il y a deux batteurs sur scène. S’ensuit une cacophonie semblable des deux côtés, sans réel gagnant ni perdant, mais le public est déjà séduit.

Mortlach, de Québec, continue vers la dépravation en présentant des compositions obscènes et efficaces. Un guitariste et un batteur, qui s’échangent les vocaux, jouent des pièces sans merci avec des noms grivois. Les passages lourds et puissants sont appréciés et donnent une bonne dynamique aux chansons.

Le groupe de Jonquière, Deboned, donne ensuite une prestation très énergique, qui ressemble plus à un jam, car ils sont souvent dos au public. La guitare est vraiment agressante, et on se sent exactement comme le personnage sur la banner officielle du Earslaughter – avec des perçeuses dans les tympans. Le bassiste semble avoir de la difficulté à gérer ses pédales d’effets… Il y a donc quelques temps morts, mais le circle pit est bel et bien en marche. Pour couronner leur prestation, le guitariste arrache ses cordes et le chanteur fait un semblant de crise d’épilepsie.

Un peu répétitif

Le trio Pas Fin, de Trois-Rivières, enchaîne les pistes avec un feedback continuel entre les chansons. Le snare de la batterie ne sonne pas très bien… Les gars ne semblent pas se prendre au sérieux et sont souriants, passant visiblement un bon moment.

On poursuit avec Act of Disorder, groupe montréalais qui nous assène de nombreuses gifles, constituées de power chords répétitifs, assez génériques et sans éclat… Au contraire de leurs comparses, le chansons de ce quatuor local sont plutôt longues. Ils avaient d’ailleurs une bonne présence de scène.

Le groupe longueuillois de goregrind, Biological Monstrosity, présente un sale setlist avec des vocaux qui frisent le ridicule – un effet de pitch shifter «downtuné» déforme le growl du chanteur, qui devient inaudible dans la masse cancéreuse de leur son.

Blood revient en force ce soir. Présentant la même introduction épique, mais un setlist différent, les doyens de la scène grind livrent la marchandise avec une efficacité redoutable et une forme étonnante. Les fans insatiables et loyaux participent au trash, reconnaissants d’avoir droit à un spectacle supplémentaire.

 

Les pionniers québécois

Mesrine, groupe de Québec, souligne ce soir son vingtième anniversaire. Ils font un setlist spécial pour l’occasion. Ayant sorti cinq album studio et de très nombreux splits/démos/EP/compilations, ils disent refuser les compromis et ne pas vouloir suivre de modes. On apprécie le fait qu’il y ait deux guitaristes dans le groupe. Toutefois, le chanteur est nonchalant et ses interventions semblent peu dignes d’intérêt. Le public est néanmoins très participatif, créant un trash violent en réponse aux chansons des mythiques pionniers de grind de Québec.

Ensuite, arrive sur scène le jeune groupe Goolagoon, powerviolence de Boston (inspiré de Spongebob!). La chanteuse est une Brody Dale (Distillers) plus enragée, et elle fait aussi penser à Otep Shamaya. Elle donne une excellente performance, se mettant à genoux pour expulser ses frustrations. Leurs chansons possèdent un bonne équilibre entre lenteur et vitesse. Vraiment énergique – un vent d’air frais dans la suffocation!

Le duo australien Meth Leppard présente un grindcore tissé de riffs catchy, mémorables. Le batteur a une technique vraiment impressionnante. Les cerveaux des fans, écrasés par l’incessant pilon-mortier des blast-beats, deviennent une bouillie disgracieuse.

Charcuterie du conduit auditif externe

Les légendes goregrind d’Haemorrhage, venues d’Espagne, présentent en exclusivité leur premier spectacle au Canada. Existant depuis 1990, ils ont lancé 9 albums et une quantité phénoménale de démos, singles et EP. Les membres sont sur scène, costumés en chirurgiens/infirmiers éclaboussés de sang. Puis, le chanteur,également ruisellant d’écarlate, arrive en brandissant un drapeau avec une croix rouge sur fond blanc. Ça promet!

Le quintette inocule ses médicaments abominables et douteux à un public qui fait la victime. Les fans semblent vouloir se faire mal pour être pris en charge par ce nouveau type de praticiens… Certains se lancent parmi les autres à partir de la scène, atterrissant par terre. D’autres veulent faire du bodysurfing mais n’y parviennent pas, tombant à la renverse. Les infâmes bouchers restent en contrôle de leur instruments, et tiennent leur public captif. Ce dernier veut rester plus que jamais dans cet hôpital masochiste et malfaisant, où les piliers du grind espagnol se complaisent à donner des acouphènes perpétuels. Certains fans, qui avaient une petite faim de minuit, brandissent des épis de maïs dans les airs, telle une offrande aux Cinteteo (dieux du maïs, dans la mythologie aztèque). Haemorrhage, vraiment, est à la hauteur de son nom!

Musique communautaire et intellectuelle

En résumé, les vingt bands présents lors de ce festival ont su créer toute une fin de semaine d’émotions démesurées et truculentes. Souvent humoristiques et pince-sans-rire, les groupes exagèrent les clichés, la plupart du temps pour dénoncer des causes importantes – il ne faut pas les prendre au premier degré. Ouverture sur le monde, acceptation des différences, engagement dans divers principes de progès social et politique… La scène grindcore est intellectuelle et responsabilisante.

Définitivement, et au-delà des stéréotypes, c’est une musique rassembleuse, dénonciatrice et impliquée qui pousse à vouloir être actif au sein de sa communauté. Le grindcore, intelligent dans toute sa folie, et logique dans son absurdité. Sain dans l’insanité!

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