Edmond

Edmond au TNM | Léger et estival

Ce n’est pas parce qu’une pièce connaît un franc succès depuis sa création à Paris qu’il en sera forcément de même ici. Alexis Michalik, le jeune auteur et comédien français qui signe le texte de la pièce Edmond, s’est appuyé sur le toujours fougueux metteur en scène Serge Denoncourt pour la première nord-américaine de sa pièce dirigée ici à fond de train, comme dans une course effrénée vers le rire à tout prix.

L’histoire est celle d’Edmond Rostand, jeune auteur de 30 ans sans le sou qui n’a rien produit depuis deux ans, et qui se retrouve à devoir écrire une comédie dans un court laps de temps de trois petites semaines, défiant mille embûches pour en arriver à pondre ce qui deviendra l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature française, Cyrano de Bergerac.

Denoncourt connaît bien son sujet, pour avoir monté en 2014 avec Patrice Robitaille sur les mêmes planches, son propre Cyrano avec succès. Mais cette fois-ci, voilà que nous nous retrouvons de l’autre côté du quatrième mur, derrière le décor si l’on peut dire, avec la genèse compliquée à outrance de la création de la pièce en 1897 au Théâtre de la Porte Saint-Martin. Le seul ennui réside dans le fait qu’aujourd’hui le procédé du théâtre dans le théâtre est devenu en soi archi usé.

Dans cette sorte de making of, l’auteur et le metteur en scène font défiler à toute vitesse pas moins de 60 personnages défendus par une distribution inégale de 12 comédiens. Les scènes sont courtes, les décors habiles de Guillaume Lord en constante transformation, les acteurs arrivant et repartant en claquant du doigt et du talon. À lui seul, Jean-Moïse Martin joue huit personnages, alors que Daniel Parent en joue sept, et pas des moindres : Feydeau, Méliès, Ravel et Tchékhov, entre autres.

François-Xavier Dufour, pourtant bon comédien, paraît de faible prestance dans le rôle d’Edmond Rostand qu’il incarne en le rendant trop cérébral et méthodique pour qu’on adhère comme il se devrait à l’écrivain et sa déveine. En Rosemonde, son épouse rongée par la jalousie, Émilie Bibeau semble toujours jouer pareil.

Catherine Proulx-Lemay, pourtant bonne comédienne, incarne une Sarah Bernhardt complètement caricaturale avec ses caprices et ses manies agaçantes de grande actrice impressionnée par elle-même et sa devanture. Ce sont les comédiens dans des rôles secondaires qui s’en tirent le mieux, comme Widemir Normil, Kim Despatis et Philippe Thibault-Denis.

* Photo par Yves Renaud.

Mais la grande révélation sur cette scène vient de Normand Lévesque qui incarne avec beaucoup de truculence le grand comédien de l’époque, Constant Coquelin, et plus tard Constantin Stanislavski à qui l’on doit une école de pensée au théâtre qui lui est propre.

Normand Lévesque joue le grandiloquent Coquelin en allongeant la dernière syllabe des mots de façon si irrésistible qu’on ne saurait s’en passer. C’est lui qui jouera Cyrano à la fin, doté d’un faux nez démesuré que Rostand décline comme « une laideur, un roc, un pic, un cap, une péninsule », de mèche avec son ami Léo, beau mais niais, pour conquérir le cœur de la belle Roxanne avec le verbe enjôleur emprunté à Cyrano.

Lors de sa création à Paris, la pièce d’Edmond Rostand s’était illustrée avec pas moins de 40 rappels. Il est peu probable que son dérivé sous la plume éparse et ambitieuse d’Alexis Michalik en récolte autant au TNM pour cette œuvre mineure qui fait 2h15 sans entracte. Cependant, l’on y retrouvera tout de la formule souhaitée par le Festival Juste pour rire, soit une comédie légère et estivale.

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