Albin de la Simone

Entrevue avec Albin de la Simone | Assumer pour plus d’authenticité

A peine arrivé à Montréal dans le cadre d’une tournée de 15 jours avec un passage à Coup de Cœur Francophone, Albin de la Simone a pris de son temps pour rencontrer Sors-tu.ca et lui parler de sa tournée, de son dernier album Un Homme, et de ses multiples projets.

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Sors-tu.ca : Tu es content d’être ici ?

Albin : Très ! Je viens souvent ici. Je suis très content, en plus comme je reste 15 jours, j’ai un appartement, c’est un peu comme se sentir chez soi.

Sors-tu.ca : Qu’est-ce qui te plaît à Montréal ?

Albin : J’aime Montréal, je trouve la ville belle. J’aime la lumière, en ce moment elle est super. J’ai beaucoup d’amis, des amis très proches, et en même temps qui viennent d’un pays étranger. C’est une forme d’amitié assez exotique, c’est rare et très précieux.

Sors-tu.ca : Ton dernier album Un Homme a eu beaucoup de succès, et les critiques sont quasiment unanimes. Qu’est-ce que cela te fait ?

Albin : Ça me fait plaisir ! Ça fait un an et demi qu’il est sorti, et depuis il continue de résonner. Là, ce sont les dernières ondes de résonance, mais je suis content que des gens le découvrent encore. Et ce qui est chouette, c’est que je vais jouer les chansons de l’album à Montréal, mais aussi à St Jérôme, Gatineau, Shawinigan… Là, on est dans un exotisme total !

Sors-tu.ca : Tu as déjà tourné au Québec avant ?

Albin : Tourner non, j’ai déjà joué à Montréal et à Québec de nombreuses fois, mais jamais dans une troisième ville, donc c’est super.

Sors-tu.ca : Sur ce 4ème album, tu accordes plus d’importance à ta voix et à tes textes par le biais des arrangements musicaux. Comment t’est venue cette idée ?AlbindelaSimone-Entrevue (1)

Albin : En fait je n’ai jamais été très fan de ma propre voix, ce n’est pas un cadeau !

Après il y en a qui l’aiment bien, heureusement. Sur mes précédents disques, un des défauts que je peux remarquer maintenant était de faire la musique que j’avais envie d’écouter et de poser dessus ma voix en me démerdant pour qu’elle rentre dedans, ce qui était assez artificiel. Donc en concert il y avait un truc pas très naturel, le rapport n’était pas juste.

Après l’avoir expérimenté, notamment avec Vanessa Paradis ou d’autres personnes en tant que producteur, j’ai fini par comprendre, que si je le prône pour les autres, c’est valable pour moi aussi : commençons par la voix et organisons la musique autour de celle-ci. C’est peut-être ce qui me fait le plus peur, mais en même temps il y a que ça qui compte, sinon ça serait un autre qui chante. Ma voix a des qualités, des défauts mais j’ai organisé tout en fonction d’elle. La musique vient juste la soutenir et ça remet les choses dans le bon sens. Ça permet aux textes d’arriver plus directement.

Sors-tu.ca : Pour tes précédents albums tu avais écrit dans des endroits un peu exotiques, à Bali par exemple pour ton 3e album Bungalow !  Là, tu as écrit à Paris, c’est une décision que tu as pris seul ?

Albin : Oui. Il y a la légende du directeur artistique génial. Dans mon label, j’ai eu de vrais conseils artistiques, justes, mais là c’est plutôt la vie qui m’a amené à faire ce choix. J’ai eu un enfant, j’allais pas me barrer un mois. Pour écrire, le point important à atteindre c’est l’ennui, le fait de se dire : « Bon bah je n’ai plus rien à faire, le téléphone ne sonne plus, d’ailleurs il n’y a plus de réseau, je ne suis plus chez moi, il n’y a plus de copains ».

C’est avec ce vide que les idées viennent, et pour ça j’ai besoin de m’extraire de ma vie. Mais ça peut être en m’enfermant dans mon studio. Mais j’aime bien partir à la mer 3 jours quand même, ça reste chouette.

Sors-tu.ca : Malgré tout, est ce qu’on peut dire que pour cet album tu as cherché à être plus authentique,  plus proche de ton quotidien et de ce que tu vis au jour le jour ?

Albin : Je ne sais pas, c’est ce qu’il en ressort, j’ai cru comprendre. Je crois que j’ai toujours cherché ça, mais là j’y arrive mieux. Tu vois, c’est pas une envie que j’ai eu d’un coup, d’être plus authentique. C’est juste que le chemin est plus court, j’ai moins usé de détours, j’assume plus, je trafique moins.

Sors-tu.ca : J’ai lu que certaines de tes chansons étaient nées en concert, je voulais savoir ce que ça signifiait exactement…

Albin : C’est vrai que ce n’est pas très clair, mais ce n’est pas « Oh j’improvise une chanson, et voilà ! ». Souvent une chanson elle commence par un disque et après, on la rapporte sur scène. Mais maintenant, j’essaye toujours mes chansons sur scène. Quitte à faire des petits concerts, dans des apparts avec des copains. On se rend tout de suite compte de l’impact qu’elles ont. Alors que quand on est seul devant un ordinateur, un micro, on peut triper à force d’écouter.

Mais quand tu vas les jouer devant quelqu’un, tu vois tout de suite si elles sont comprises, s’il y a de l’émotion… Tout ça est tellement plus juste. Ça doit aussi expliquer la plus grande immédiateté de mon disque.

Sors-tu.ca : Au final tu avais joué toutes tes chansons auparavant en concert ?

Albin : Oui toutes, et elles avaient été écrites bien avant. Je suis un gros laborieux. Je peux me prendre la tête sur un mot pendant 3 mois, c’est l’horreur ! On me propose tout le temps d’écrire des chansons pour d’autres, ce que je n’ai jamais réussi à faire. Je suis musicien pour d’autres mais pas écrivain, je suis amateur.

Sors-tu.ca : Tu n’es pas plutôt perfectionniste ?

Albin : Si, mais je n’ai pas de métier, je cherche le bon mot pendant des jours alors que musicalement la phrase va venir rapidement. J’ai moins d’expérience, je suis moins musclé…

Sors-tu.ca : Ton album s’appelle Un Homme, il parle de ce que sont les hommes en général, et aussi de ce que tu es toi. Sur beaucoup d’entrevues, tu évoques les stéréotypes que l’on accorde aux hommes, ce qu’ils doivent être etc… c’est très actuel comme sujet non ?

Albin : Ca a toujours été très actuel pour moi. J’ai tout le temps eu des problèmes de positionnement par rapport aux autres mecs, pas à tous, mais ça n’a jamais été facile à l’école et tout ça. J’ai toujours été potes avec les nanas, et assez complexé par mon physique, par mes épaules (rires).

Ce qui est peut-être plus actuel, c’est qu’aujourd’hui les hommes assument et osent en parler, c’est moins la honte. C’est pareil pour les nanas, les clichés commencent à être moins marqués, il comment à y avoir d’autres formats d’actrices etc.. Et ça fait du bien !

Sors-tu.ca : Justement, tu as écrit tes chansons, et ensuite tu as donné le titre Un Homme ? Tu t’es rendu compte après que tu parlais de cette idée-là tout au long de l’album ?

Albin : Oui, d’ailleurs il y avait 11 chansons. La 11ème je l’adore, on la joue sur scène mais elle n’avait pas du tout sa place dans le disque. J’ai beaucoup galéré avec cette chanson-là, car je n’arrivais pas à la mettre dans l’album, elle le coupait. Ça paraît évident après coup, mais quand t’es en train de faire ça, le temps de te dire « L’intruse c’est elle », c’est long. Quand on l’enlève, d’un coup le disque est fluide, et il a une thématique et un titre. C’est pas L’homme, ni Je suis un homme mais Un Homme.

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Sors-tu.ca : Ce n’est pas un thème que tu avais envisagé auparavant du coup ?

Albin : Non, mais il faut croire que j’avais envie de parler de ça parce que la plupart des chansons qui sont sorties de mon imagination incontrôlable évoquait ce thème-là.

Sors-tu.ca : Il y a deux chansons qui parlent explicitement de toi sur l’album : Mes Epaules et Ma Crise, le reste résulterait plus de ton imagination. Comment tu fais pour parler à la place d’autres hommes que tu n’es pas ?

Albin : Je trouve que c’est plus simple de parler d’autres que de soi. Pour parler de moi, il faut que ce soit plus fidèle à ce que je ressens, c’est un enfer, parce que si je parle d’une émotion et qu’elle n’est pas exactement la mienne, j’ai l’impression de mentir. Ma Crise, Mes Epaules : j’en ai chié pour les écrire. Alors que quand c’est fictif, c’est plus simple. Tu n’as qu’à canaliser ton imagination.

Sors-tu.ca : Est-ce qu’on peut dire malgré tout que tu es très observateur ? Tu arrives très bien à décrire des situations, comme le divorce dans Ici Hier.

Albin : Je suis observateur de choses que j’ai vécues. Toutes les thématiques de mes chansons concernent des choses que j’ai fréquentées par mon père, ma mère, mes amis, mes fiancées…. Il y a toujours quelque chose qui fait que c’est authentique et que ça correspond à des émotions personnelles. Quand il ne s’agit pas de moi, je suis libre dans la forme.

Sors-tu.ca : Qu’est-ce que ça te fait quand quelqu’un te dit qu’il est touché par tes chansons, et qu’il a l’impression que tu as écrit la chanson pour lui?

Albin : Ça me fait plaisir de pouvoir partager, c’est vrai qu’à un moment, quand j’arrive à écrire une formulation qui exprime une émotion, ça me touche et je peux m’émouvoir moi-même. Si je vois que cette émotion passe aussi et qu’on la reçoit, c’est un cadeau. Tous les soirs, on joue Ici hier, et je ressens la même sensation, c’est très touchant.

Sors-tu.ca : Sur ce CD, tu fais un duo avec l’Islandaise Emiliana Torrini. Avant, tu avais fait des duos avec Feist, Jeanne Cherhal… Que des filles finalement. Ca ne te dirait pas d’en faire avec un artiste masculin que tu aimes particulièrement ?

Albin : Si pourquoi pas. Mais ce n’est pas le hasard qui a fait que j’ai chanté qu’avec des filles. Une fille qui chante bien, ça m’émeut complétement, et j’aime le croisement de la voix masculine et de la voix féminine, on peut raconter plein d’histoires.

Souvent avec Vincent Delerm, Mathieu Boogaerts, on fait des duos, mais c’est plus comique. L’émotion à deux mecs c’est plus compliqué pour moi.

Emiliana Torrini, c’est ma chanteuse préférée au monde. Elle est connue dans tous les pays et j’ai osé lui demander de faire un duo avec moi, puis elle a accepté.

Sors-tu.ca : Tu as un projet, que tu as mis en place qui s’appelle Les Films Fantômes. En fait, il n’y a pas de film, mais tu accordes de l’importance à tous les détails autour de ce film qui n’existe pas. Est-ce qu’on peut dire que dans tes textes c’est la même chose, que tu caches l’essentiel en essayant de vaguer sur des détails ?

Albin : Oui, parfaitement. En fait je m’en suis rendu compte après. On remarque qu’on a des obsessions. Là où ça me plaît, c’est quand il manque une information, mais qu’il y a des détails très précis autour.

Les textes de Bashung j’aime bien, mais on comprend que dalle, ce ne sont que des émotions poétiques. Moi j’aime bien qu’on comprenne tout, sauf qu’il nous manque une chose, et que du coup tu sois obligé de faire le trait toi-même. Et le trait tu le fais avec le feutre que tu veux.

Quand il n’y aucun doute dans une chanson, je crois que ça m’intéresse moins. Mes Epaules il n’y a pas de doute mais au moins j’essaye dans les formulations d’être plus vague. Les Films Fantômes c’est exactement ça : poser tous les jalons pour qu’on puisse comprendre le principal. Le principal, lui, est libre de droit.

Sors-tu.ca : Sur scène, tu as fait ta tournée avec un violon et un violoncelle, ça sera le cas ici aussi ?

Albin : Oui, par contre c’est avec des musiciennes québécoises, deux copines. On avait déjà fait ce concert ensemble mais je suis arrivé avec des nouveaux trucs, notamment la 11ème chanson qui n’est pas sur l’album. On se retrouve et on fait ce concert sans sono. C’est chouette de faire le même concert avec différentes personnes, ça me réexcite.

Sors-tu.ca : Tu as commencé ta carrière en faisant du jazz, comment en être arrivé à ton style d’aujourd’hui ?

Albin : Je voulais au début faire des arts plastiques, puis un jour j’ai commencé à jouer de la musique et ça a complétement remplacé mon besoin d’expression plastique. J’ai fait du jazz pendant longtemps, je n’étais pas heureux, pas très bon sûrement aussi. Ça a duré 10 ans, c’était dur. Le jour où j’ai rencontré une certaine forme de chanson, ça a totalement réglé mon besoin de jouer du jazz. J’en écoute vachement, mais tu vois je ne suis pas jazzman.

Sors-tu.ca : Tu collabores beaucoup avec des artistes, est ce que tu trouves que c’est plus simple de porter un projet à plusieurs ?

Albin : A vrai dire je ne fonctionne pas comme ça. Mon moteur c’est d’écrire. Pour moi il y a un truc très solitaire là-dedans. Faire de la musique en collectif j’adore ça. Mais tu vois, ça fait 6 mois que Miossec me propose de venir à Brest pour qu’on écrive ensemble des chansons. Ca serait génial mais pour l’instant j’ai une espèce de pudeur.

Sors-tu.ca : Par rapport à toutes tes collaborations, ça n’a pas été difficile de t’affirmer en tant qu’artiste ?

Albin : Je pense oui. Jusqu’ici j’ai toujours répondu non, mais c’est sûrement vrai. J’ai mis longtemps à me trouver. Mais bon est-ce que ça aurait été plus facile sans ? J’ai un format atypique, j’ai cet autre métier qui est de travailler avec les autres, c’est confortable, ça me nourrit financièrement. Etre chanteur c’est dur, moi je continue à faire des choses quand j’ai fini la tournée. Ca me fait perdre du temps aussi, mais c’est ce que j’aime faire.

Sors-tu.ca : As-tu d’autres projets parallèlement à ta tournée ?

Albin : J’ai participé à l’album de Stéphanie Lapointe, à celui de Brigitte aussi. Mais mon grand projet maintenant c’est d’écrire pour moi. Je veux des nouveaux jouets ! Je commence à tourner en rond avec mes chansons. Je travaille aussi sur un projet au Musée d’art moderne de Paris. Je ferai un concert au milieu d’une exposition d’un artiste que j’aime beaucoup qui s’appelle Henry Darger. Ça m’inspire beaucoup, et ça me donne envie d’écrire.

* Albin de la Simone sera en concert à l’Astral ce vendredi à 20h dans le cadre de Coup de Coeur Francophone.

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