Antoine Corriveau

Entrevue avec Antoine Corriveau | La richesse de l’éphémère

Pour un soir et un soir seulement, Antoine Corriveau occupera la scène de l’Usine C avec un spectacle nouveau genre au rythme de l’album Cette chose qui cognait au creux de sa poitrine sans vouloir s’arrêter. Rencontre avec celui qui a idéalisé le concept et qui se produira à l’Usine C en compagnie d’un orchestre de 26 musiciens le 7 décembre qui vient.

Antoine Corriveau n’est pas le genre d’artiste indifférent de son environnement. Il se questionne constamment sur les enjeux milieu de la musique au Québec — les spectacles à (trop) grand déploiement dans les arénas, le streaming, La Voix — et choisit d’y répondre par un spectacle concept qui mêle tant la musique que la danse et le théâtre, et qui se transporte sur les écrans et la scène.

 

Le mythe de la scène musicale qui n’innove jamais

Le projet a germé tranquillement dans la tête de l’auteur-compositeur-interprète. D’une part, il souhaitait palier à un manque du milieu, d’une autre, il voulait indirectement prouver à Nathalie Petrowski, qui défend que l’industrie musicale n’innove jamais, qu’elle avait tort. Il s’est d’abord adressé au vidéaste Akim Gagnon pour la réalisation d’une série de vidéoclips thématiques, sans trop savoir comment le reste du concept allait s’en découler.

Ainsi, ils ont fait appel aux comédiennes Mounia Zahzam et Jade-Măriuka Robitaille pour figurer dans les courts métrages, et ça été le « coup de foudre humain » entre elles et le compositeur. Les histoires des clips ont ensuite été écrites pour elles, et l’idée d’amener ces personnages plus loin était ancrée. Avant de ce faire, il a choisi d’incorporer au projet un autre membre indissociable de son album, Fanny Bloom avec qui il chante la pièce Constellations. Figurant aussi dans le vidéoclip du morceau, elle est devenue malgré elle un personnage de la série.

De l’écran à la scène

L’album Cette chose qui cognait au creux de sa poitrine sans vouloir s’arrêter, Antoine Corriveau le traîne en tournée depuis sa parution en octobre 2016 (et ce n’est pas fini puisqu’il lui reste des dates de spectacle dans l’année à venir). Il lui fallait donc une manière de commencer à fermer la porte sur le projet. « J’ai l’impression que ce spectacle-là, sans nécessairement être la fin du cycle de ces chansons-là sur scène, est la fin d’un cycle de création de cet univers-là», raconte Antoine Corriveau.

Normalement, j’aime développer un univers quand même complet, foisonnant pour un disque, et bien que j’aie le sentiment que le disque l’est, je pense que cette fois-ci, on est allé plus loin et que ce serait con de ne pas l’achever de cette façon-là.

Pour lui rendre hommage, Antoine Corriveau a eu envie de jouer l’album « tel quel », le plus fidèlement possible, mais « avec bénéfices ». Ça veut dire exactement tel qu’on l’entend sur le disque grâce à l’Orchestre Accident de 26 musiciens, mais en y incorporant une trame narrative, une mise en scène, et ses trois héroïnes.

Il a alors fait appel à une metteure en scène et une chorégraphe. « Je suis allé chercher Alexia Bürger à la mise en scène qui a déjà fait un ou deux trucs en musique, mais qui fait surtout du théâtre. Et aussi, Rosie Contant comme chorégraphe parce que je savais qu’il fallait une piste à suivre dans la façon aux trois filles d’être sur scène, mais sans nécessairement tomber dans la danse. »

C’est par une collaboration « extrêmement naturelle » qu’Antoine Corriveau a cédé son projet à la metteure en scène Alexia Bürger. Toutefois, son travail ne s’arrêtait pas là. À la demande de sa metteure en scène, il a eu à sonder les confins inexplorés de sa création. En effet, pour tracer le fil narratif du spectacle, Alexia Bürger lui a demandé de fouiller chacune des subtilités de ses paroles et d’en trouver le sens. « Je faisais des liens entre des chansons, puis des liens avec les personnages qui me faisaient peur, s’exclame Antoine Corriveau. Mais en même temps, ce vertige-là est magnifique. »

Chérir la première

C’est donc l’Usine C qui accueillera ce spectacle le 7 décembre prochain, un soir seulement. Pour lui, c’était la salle idéale, lui qui n’est pas fan des grands amphithéâtres froids et des patinoires recyclées en salle de spectacle. « La scène de l’Usine C est énorme et il nous fallait ça pour la quantité de gens qu’on est sur ce show-là, explique le chanteur. Et aussi, la capacité n’est pas 2000 places. Pour nous, c’est plus facile à remplir et, pour moi, au-dessus d’une certaine jauge, c’est très difficile d’apprécier un spectacle, en tant que public. »

Ceux et celles qui assisteront au spectacle profiteront d’une mise en bouche alléchante, mais éphémère puisque ce spectacle ne sera présenté qu’un soir seulement. « Assez tôt, on s’est dit que ça ne nous tentait pas d’en faire un deuxième soir. À plein de niveaux — techniques, musicaux — il y aurait eu des choses qui se seraient placées autrement peut-être même mieux, mais au niveau de la charge émotive reliée à ce spectacle-là, on y perdrait vraiment quelque chose. »

En plus, ce sera l’occasion d’entendre quelques nouvelles pièces inédites qui viendront raccorder les filons manquants de la trame narrative déjà établie dans Cette chose qui cognait au creux de sa poitrine sans vouloir s’arrêter. Auront-elles leur place sur un prochain album? « Je ne pense pas qu’elles ont leur place sur le prochain. Je pense que si elles sortent, ce sera sur un support qui leur appartient à elles. »

Raison de plus de mettre la main sur les quelques billets restants à l’Usine C pour cette soirée de première et de dernière de ce spectacle-événement qui sortira certainement des sentiers battus et au-delà.

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