Bernhari

Entrevue avec BERNHARI | L’espace et le célibat

C’est au fond d’une ruelle montréalaise avec pas mal de verdure que Sors-tu.ca s’assoit avec Alexandre Bernhari, pour s’entretenir sur son passage au Théâtre Fairmount ce vendredi 9 octobre. Il s’agira de l’ultime spectacle de son album Bernhari, paru en août 2014. L’occasion sera marquée par une invitée spéciale : Stéphanie Lapointe. Ça jase donc de nostalgie face à la rapidité des dernières années, du prochain album et de production vidéo.

Récapitulatif nostalgique

Le travail cumulé depuis 2014 s’achève déjà ce vendredi, et Bernhari se replonge dans une nostalgie bizarre. « Ça a été une année assez folle. Tu perds un peu ton sens là-dedans. Je suis entrain de me retrouver. » Pour couronner le tout, double nomination à l’ADISQ pour la Révélation de l’année et l’Album alternatif de l’année. Du côté de la GAMIQ, une nomination pour l’Album indie rock de l’année.
Bernhari - Montréal - 6 octobre 2015-3
En passant par des spectacles intimes avec Fontarabie, il fait le tour des festivals, du Texas à Montréal avec Osheaga et les Francofolies, jusqu’au Festival d’Été de Québec en première partie de Dweezil Zappa. Il apprécie les grosses scènes extérieures, surtout pour la facilité de la gestion du son. « Ça devient comme une espèce de messe. Quand tu tombes dans une petite salle, c’est plus complexe, tu as plus de stress par rapport au son. Systématiquement, tu te développes un réflexe de proximité, de fragilité que tu n’as pas sur un gros stage. » Tout de même, le retour de la foule dans les festivals d’ampleur demeure spécial.

En tant qu’artiste local, il a la chance de faire partie de festivals où les artistes internationaux tournent, et de vivre l’expérience en tant que festivalier. Alors que Mos Def lui quête une cigarette à Osheaga, il affronte aussi son agoraphobie. « J’ai bu, ça m’a permis de me promener et d’apprécier. C’est marquant de voir Kendrick Lamar avec 40 000 personnes qui sautent en même temps. »

L’amour au temps du célibat

Alors que le premier album parle d’engagement amoureux et d’engagement social, entre autres avec les manifestations étudiantes de 2012, le prochain album, prévu en février 2016, sera différent. Pour le prochain album, l’engagement social est un peu mis de côté pour laisser place à l’engagement personnel.

« Celui-là est plus lié à l’univers de l’espace: les étoiles, le soleil, le rapport à la vie. À tout ce qui est vivant, comme un retour aux sources. C’est un parallèle au célibat. »

« On est dans un vide, un flou. Il y a quelque chose de vraiment spécial dans le célibat, où tu es toujours à l’affut de la personne. » Il se dit plus conscient de l’intérêt des gens qui l’entourent, et justement plus angoissé de voir que les gens ont de plus en plus de difficulté à s’engager, parce qu’ils ont déjà vécu l’amour et qu’ils ont eu le coeur brisé. « Je ne sais pas si c’est notre génération. Il faut dealer avec ça, et j’essaie d’en parler. »

Bernhari sait déjà ce qu’il veut faire pour son 3e album, et il savait depuis longtemps ce qu’il voulait faire avec son 2eme album. « Je veux que la voix soit en avant, qu’on écoute les paroles et les textes. C’est beaucoup plus fragile. » Il veut surprendre les gens à chaque fois et ne pas se limiter dans un style. Il s’agira d’une signature musicale différente, question de le garder allumé. À l’époque, il sortait ses projets en ligne et après il effaçait tout. Aussi bien s’offrir un vinyle de son premier album avant que lui aussi quitte les Internets.

Sa façon d’innover, c’est aussi une question de ne pas catégoriser sa musique. Il base sa composition sur la spontanéité. « Tu le vis, tu rentres chez toi, tu l’écris, et tu le mets dans le tiroir. Tu reviens, tu regardes, et ça se passe. En studio, il y a un moment d’improvisation, et tu vas ajouter une petite twist et la chanson va juste devenir meilleure. » Les gens ne le cernent pas tout à fait musicalement, et il aime ça. Il compare ça aux cliques d’adolescents dans les années 90, où ils se regroupaient selon leurs goûts métal, alternatif, hip-hop, etc. « On ne mélangeait pas tant la musique à l’époque. Aujourd’hui, tu peux faire du rap et du métal, et les gens ne sont même pas surpris. Tout ce mélange, c’est à peu près comme nos vies amoureuses. Tout ça, c’est à cause de l’Internet. »

 

Collaborer avec d’autres artiss 

Si le style du prochain album s’avère différent, une chose est sure, ce ne sera pas un projet solo. Même si sa maitrise du chant, du piano et des percussions lui permettrait de performer en solo, il préfère l’ampleur différente d’un travail avec ses musiciens de talent. « Ça devient comme une petite famille, tu peux te changer les idées. Quand ça ne va pas, il y en a un qui va mieux. Tu peux te nourrir comme ça. »

Il collaborera d’ailleurs avec une invitée spéciale au Théâtre Fairmount. Au tout début de Bernhari, il avait écrit Éclipse avec l’actrice Marie Brassard. À son spectacle aux Francofolies, c’est Stéphanie Lapointe qui l’avait chantée en duo avec lui, et elle sera de retour ce vendredi. Si tout va bien, il y aura également possibilité de l’entendre sur une nouvelle chanson…

Un touche-à-tout

Ce qui nous étonne d’Alexandre, c’est son soucis du détail artistique. Il prend le temps de produire son propre artwork, et c’est réconfortant de voir un artiste s’impliquer autant. « Je suis pas mal touche-à-tout, j’essaie de participer à toutes les sphères. » On retrouve sur YouTube plusieurs montages vidéo qu’il a réalisés, comme celui de sa chanson Les Missiles, avec des soldats dans un simili combat de breakdance: concept gagnant.

Maintenant qu’il s’est trouvé un gérant, il pense avoir le temps de mettre de côté la pression des tâches administratives pour retourner à la base. « Ça va me faire du bien pour me recentrer en tant qu’artiste. Des fois, tu es sur un stage et tu penses à toute la production et ça devient lourd, tu peux pas faire ça. C’est mon plan pour le prochain album de réaliser tous mes clips si ça va bien. » Le musicien a une approche autodidacte, dans le but de pouvoir tout réaliser seul. « Tu fais une musique et tu développes un univers, et là quelqu’un d’autre arrive avec une approche complètement différente de ce que tu avais comme vision au départ. Ça devient compliqué, souvent les gens sont déçus, les musiciens aussi. »

Mis à part son impressionnant multitasking sur scène, il s’amuse aussi à modifier le rythme d’un concert. « Tu prends le meilleur de la chanson et tu le milk, tu le squeeze bin comme il faut, et tu essayes d’arriver à quelque chose d’intéressant ». C’est ce qu’il fait avec sa chanson KRYUCHKOVA (à lire avec un accent non identifiable), en grimpant le tempo de 10BPM. Bien hâte de voir ça. 

Un musicien qui combine mystère et talent, en spectacle ce vendredi au Théâtre Fairmount. Il n’y en aura pas d’autres avant longtemps, suffit donc de se pointer et de le voir une dernière fois à l’oeuvre, lui et son beau chapeau!

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