Hindi Zahra

Entrevue avec Hindi Zahra

avec Hindi Zahra, 21 février 2011
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Hindi Zahra était de passage à Montréal cette semaine pour rencontrer les médias, en vue de son spectacle au Théâtre Petit Champlain (à Québec le 24 février) et au Club Soda (à Montréal le 25 février) dans le cadre de Montréal en lumière.

Notre collaborateur Jean-François Tremblay s’est entretenu avec elle.


Votre album, que vous avez vous-même réalisé, mixé, et dont vous avez signé chaque composition, s’intitule Handmade. À quel point est-il important pour vous de contrôler les différents aspects de votre musique ainsi que de votre carrière?

Je considère la musique comme de l’artisanat. Ça faisait dix ans que je donnais des concerts, et j’appréhendais de faire un disque, et en même temps c’était quelque chose de super excitant.

J’ai produit le disque, et ce fut pour moi un cadeau que je m’offrais. Parce que pendant des années, j’ai été enregistrée dans les studios des autres, et j’étais super énervée de ne pas pouvoir toucher aux machines. Comme je suis vocaliste, les gens ne pensent pas forcément que je suis musicienne, et technicienne. Et pourtant je le suis.

Et donc, d’approcher des machines, de créer des effets, de mixer des voix, c’est des trucs qui m’intéressent au plus haut point.

Qui est derrière le concept de vos vidéoclips?

C’est Tony Gatlif qui a réalisé le clip de Beautiful Tango. Déjà, le choix du réalisateur est très important. Est-ce qu’il peut comprendre mon univers?

Tony Gatlif et moi partageons beaucoup de choses, esthétiquement parlant, et on a beaucoup discuté du projet, à savoir si on allait le filmer en France ou au Maroc, etc. Et lui, donc, a écrit cette histoire.

Il a écrit cette histoire, mais qui raconte la chanson. Pour moi, c’était génial, parce que c’était un travail en commun, comme si j’avais écrit l’histoire et lui l’avait mise en images, en y mettant tout son point de vue esthétique, et aussi son amour de la musique, qui transparaît beaucoup dans le clip.



Et pour le clip de Stand Up, qui visuellement est très frappant…

Pareil. J’ai travaillé avec Marie Taillefer et Thomas Koenig, qui l’ont réalisé. On a travaillé ensemble. Moi j’étais aux Antilles à ce moment-là, en Guadeloupe, et toutes ces couleurs qu’on voit dans le clip, je voyais des fleurs de toutes les couleurs, des animaux, même les chants des oiseaux étaient différents. J’suis partie avec cette idée de l’ara.

Et les gens avec qui je travaille en général comprennent mon choix des couleurs – Marie l’a compris très rapidement.



De votre musique se dégage une certaine maturité. Auriez-vous pu faire le même disque il y a 5 ou 10 ans?

C’est justement pour cela que je n’ai pas voulu le faire il y a 5 ans.

Selon moi, quand les choses doivent arriver, elles doivent arriver pleinement, et pas à moitié.

C’est pour cela que j’ai privilégiée la scène, car c’est là qu’on apprend les choses le plus vite possible, et d’une manière beaucoup plus ancrée.

Pour moi, si on doit offrir quelque chose au public, ça doit être quelque chose qui a quand même déjà un peu vécu.


Photo par Hassan Hajjaj



Vous habitez à Paris depuis l’adolescence, mais vous ne composez pas en français. Est-ce que la culture française a eu la moindre influence sur vous et votre musique?

La forme que j’ai choisie sur l’album, sur certains morceaux, c’est une forme française, c’est-à-dire la « chanson ».

C’est bizarre, hein, comme quoi la culture transparaît de différentes manières, non pas seulement avec la langue, mais avec les styles. Par exemple, les français aiment bien mettre la voix en avant, dans le mix, parce que c’est le texte qui compte, et sur certains morceaux – même si ce n’est pas le texte qui comptait – cette forme, que la voix soit devant et guide la chanson, c’était important pour moi.

Et puis, je crois que la culture française m’a influencée de manière plus littéraire; la langue que je parle, la manière dont je la parle, etc. Mais ma culture reste quand même profondément marocaine, car je me sens marocaine en France.

Et en même temps, j’aime bien le mélange des choses, c’est-à-dire que ça soit flou un peu.

Oui je suis Marocaine, ça c’est ma base culturelle, ce que je mange, comment je vis, tout ça.

Et puis, il y a la langue française, et la manière dont je vais faire certaines choses sera plus française.

J’ai aussi une culture plus anglophone, et même dans ma façon de vivre et dans mon état d’esprit en tant que musicienne, quand je travaille par exemple avec des musiciens anglais ou américains, ma méthode pour enregistrer est très proche de la leur, mais tout ça est instinctif chez moi.

Et finalement, j’aime bien être un mélange de plusieurs cultures. Ça me satisfait parce que ça me rend beaucoup plus riche, ça rend ma vie plus riche, et ça rend ma vie intérieure plus riche.

Quand je vois des gamins, maintenant, qui ont une culture noire américaine et qui sont Français… il y a des ponts déjà qui ont été établis entre des cultures, et je crois que ça va continuer de plus en plus.

Quand on nous bassine sur l’identité, sur le fait qu’on ne doit en avoir qu’une seule, moi je prône le fait d’en avoir plusieurs. C’est comme l’avantage de parler plusieurs langues;

quand je vais au Maroc je parle arabe, je peux parler avec un français, avec un anglais, etc.

Pour moi c’est clair, c’est ce qui rend la vie plus riche et plus excitante.

Qu’est-ce que les gens peuvent s’attendre à voir et entendre sur scène ce vendredi?

Photo Hassan Hajjaj

Les chansons du disque, des versions beaucoup plus acoustiques que lors de mon passage au festival Nuits d’Afrique l’an dernier, mais aussi avec de nouveaux arrangements. On a fait rentrer de nouveaux instruments, au niveau de la batterie mais aussi des guitares. Et on a ramené un banjo, pour se rapprocher un peu plus du disque.

Parlez-nous des musiciens qui vous accompagneront sur scène.

Je serai accompagnée de deux guitaristes, un batteur, un pianiste ainsi qu’une choriste.

Il y a Abdenour Djemaï, qui est Algérien-Kabyle, avec les mêmes références et les mêmes influences que moi, qui joue de la guitare électrique et acoustique, et du banjo aussi. Il y a Thomas (Naïm) aussi, qui joue beaucoup plus de la guitare folk. C’est un guitariste rythmique. C’est lui un peu qui soutient le groove, en fait, on va dire, alors qu’Abdenour est plus un soliste à la guitare.

Simone Prattico à la batterie, qui joue aussi avec Piers Faccini et qui est, pour moi, un grand musicien. Il vient du jazz, et il a un côté vraiment « roots », un côté organique dans son jeu, et percussif.

Lucile (Loison), que je connais depuis maintenant dix ans, avec qui j’ai travaillé dans une chorale, qui me suit depuis le début, et Nicolas Liesnard qui a rejoint la tournée quand on a commencé au mois de janvier.

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