Jean-Michel Blais

Entrevue avec Jean-Michel Blais | Variations sur une même vie

À l’image de sa musique, Jean-Michel Blais se présente comme un touche-à-tout dynamique, doux, confiant, précis et jeune. Il lancera le 25 octobre la bande sonore du film «Matthias et Maxime», de Xavier Dolan.

Un style particulier, par un artiste particulier

Cet été, le Nicolétain de 35 ans a quitté son emploi de professeur de cégep en éducation spécialisée pour se concentrer pleinement sur sa carrière musicale. Celle-ci était déjà reconnue par le jury du Prix Polaris, qui a mentionné le deuxième album de Blais, Dans ma main, dans sa courte liste de l’album de l’année en 2018.

Blais propose quelque chose de rafraîchissant dans le paysage musical québécois. Inspiré par Keith Jarreth et Glen Gould, son style, la pop classique, est apparu au Québec avec des figures montantes comme Alexandra Stréliski, mais gagne du jalon depuis déjà quelques années aux États-Unis, avec notamment Ludovico Einaudi et Philip Glass.

Produit par une maison de disques à Toronto et ayant signé avec un label à Londres, Jean-Michel Blais pense que ce style a mis du temps à émerger au Québec, tout simplement parce que sa population est limitée en nombre et que ses traditions musicales ne sont pas dirigées en ce sens.

Son genre de musique, souvent associé à la musique de film, gagne en popularité notamment parce qu’il se diffuse massivement dans les métropoles comme Montréal et Toronto, ce qui permet d’agrandir le bassin d’auditeurs de ces artistes.

Repris par Angèle Dubois et remixé par des DJ québécois (dont CRi), Blais prend un plaisir à collaborer avec des artistes québécois de tous les horizons permettant ainsi selon lui de « fructifier » les différents apports à notre culture.

Pour tous, partout

Durant ses spectacles, l’artiste multidisciplinaire, éternellement pédagogue, se permet de partager, à un public grandissant, quelques leçons de musique. Il explique ce qu’il joue, afin que tout le monde puisse en profiter, et que personne ne se sente mis de côté.

Blais souhaiterait démocratiser la musique et se dissocier de l’aspect « bourgeois » de la musique instrumentale. Il définit son propre son comme de la « pop instrumentale » ou, à la limite, de la musique « minimaliste », mais non pas comme de la « musique classique ». Il reconnaît que c’est notamment ce « phénomène de mélange culturel » qui lui permet de remplir des salles.

Et des salles, il semble en remplir plusieurs, et pas juste au Québec: « de Chicoutimi à Saint-Pétersbourg », lance-t-il à la blague. Alors qu’il prévoit un tour de l’Europe dans les prochains mois, il s’arrêtera de nouveau à Montréal et à Toronto à la fin du mois de janvier pour boucler sa tournée Dans ma main.

De Jean-Michel et Xavier… à Matthias et Maxime

La bande sonore qu’il a composée pour le film Matthias et Maxime, de Xavier Dolan, paraîtra le 25 octobre. C’est une première expérience cinématographique pour Jean-Michel Blais, lui qui suggère pourtant des vidéos assez épurées pour soutenir sa musique. Lorsqu’on lui a proposé de composer sa première bande sonore avec Xavier Dolan, l’artiste a accepté sur-le-champ. Dolan rend constamment « hommage à la musique », souligne Blais.

« La musique aujourd’hui est la trame sonore de nos vies », précise-t-il. Cela semble totalement adhérer à la vision de Dolan, qui, à chaque film, étonne par la variété musicale qu’il y présente. Dans Matthias et Maxime, Un autre amour de Jean-Michel Blais cohabite ainsi avec un remix de Another Love, du Britannique Tom Odell.

En somme, l’expérience fût exigeante, mais largement appréciée. « J’ai jamais douté en sa présence », avance-t-il. Jean-Michel Blais a composé la musique principalement avant le tournage du film, usage peu courant dans le monde du cinéma.

Un travail en symbiose

Multipliant les improvisations, Jean-Michel Blais suivait les conseils que Dolan lui soufflait à l’oreille. Ces improvisations, Dolan et Blais les ont gardées telles quelles dans le film; elles ont été faites à vif. Blais confie, de surcroît, que la musique était utilisée durant le tournage, influençant ainsi la création des artistes sur le plateau.

Fidèle à son habitude, Dolan a été très minutieux et impliqué dans l’élaboration de son film. La musique était ainsi déjà prévue explicitement dans le scénario. « Il exige de lui le meilleur de lui-même qu’il n’atteindra jamais, et il fait la même chose avec tout le monde autour de lui », articule Jean-Michel Blais.

Blais explique que ses compositions pour le film Matthias et Maxime furent largement inspirées par Schubert. Selon Blais, Schubert a développé « les bases de notre pop d’aujourd’hui ». Dans le film, les improvisations sur Schubert s’agencent parfaitement aux nombreuses scènes contemplatives dolaniennes. D’ailleurs, le compositeur préfère qualifier ses pièces de « variations sur un thème de Schubert qui sont improvisées en studio et dirigées par Xavier Dolan ».

Pourtant récompensé par Cannes Soundtrack pour son travail pour le film, Jean-Michel Blais ne compte pas reproduire la même expérience de sitôt. En « constante évolution », l’artiste a d’autres projets sur la table. Bientôt en résidence à Calgary, au Centre National de la musique, Blais découvre graduellement les effets de la popularité et reçoit des messages d’admirateurs impatients. « J’ai envie d’appeler mon album Everything Now », lance-t-il à la blague, lançant un clin d’œil à Arcade Fire.

Jean-Michel Blais sera en spectacle à Montréal les 14 et 15 janvier 2020. Le film Matthias et Maxime de Xavier Dolan est à l’affiche dans de nombreux cinémas à travers le Québec.

Photo par Marc-André Mongrain

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