Le Petit Roy

Entrevue avec Les Claypool | Primus vient présenter son Chocolate Factory à Montréal et Québec

Tel un petit Charlie émerveillé, Primus a exploré la mythique usine de chocolat de Willy Wonka et en est ressorti avec un album inventif, sombre et fantasmagorique, ainsi qu’un spectacle à l’avenant, qui redonne un nouveau souffle au film culte de 1971. L’excentrique groupe californien présentera ce spectacle au Québec cette semaine, et deux fois plutôt qu’une : d’abord au Parc de la Francophonie dans le cadre du Festival d’été de Québec mardi soir, puis au Métropolis, à Montréal, mercredi.

« C’est pratiquement une pièce de théâtre », nous explique Les Claypool, leader du groupe, au bout du fil alors qu’il se trouvait à Toronto ce week-end.

Durant la présente tournée canadienne, Primus propose un spectacle en deux temps : d’abord une sélection de chansons triées sur le volet parmi les 7 premiers albums à sa discographie, puis une deuxième partie comportant l’album Primus and The Chocolate Factory en intégral, avec personnages, projections et décors liés à la thématique Wonka. Même que Claypool lui-même prend plaisir à se costumer comme le fameux personnage qui a mis l’acteur Gene Wilder sur la mappe.

À noter que le projet Primus and The Chocolate Factory ne s’inspire pas de la relecture cinématographique de Tim Burton, parue en 2005, avec Johnny Depp dans le rôle principal. Le film de 1971 est bien différent, notamment sur le plan de la trame sonore : des chansons signées Leslie Bricusse qui revêtaient déjà un cachet particulier, une originalité certaine à l’époque. Ces pièces marquantes, dont Pure ImaginationCandy Man, I Want It Now et les thèmes des Oompa Loompa, ont mijoté dans le coco de Claypool pendant plus de 40 ans avant qu’il ne se décide à les réinterpréter à sa façon, avec ses deux collègues de Primus – Larry « Ler » Lalonde à la guitare, et Tim « Herb » Alexander à la batterie – ainsi que le Fungi Ensemble, soit Mike Dillon (vibraphone, marimba, tablas) et Sam Bass (violoncelle).

Le Wizard of Oz d’une génération

Claypool n’avait pas encore 10 ans lorsque le film Willy Wonka and the Chocolate Factory est sorti. “En tant que gamin, c’était le film le plus extraordinaire qui soit. Pour ma génération, Willy Wonka est en quelque sorte notre Magicien d’Oz. Ça a eut un tel impact sur moi que je n’arrive plus à le voir autrement. Même si les éléments de production peuvent paraître un peu datés aujourd’hui, ça demeure une épatante tranche de temps. »

C’est donc à partir du travail de Bricusse, avec une touche ténébreuse inspirée des livres de l’auteur norvégo-gallois Roald Dahl, que Primus a créé l’album, paru en octobre 2014. « C’est le genre de projet qui me trottait en tête depuis longtemps, et après la dernière tournée de Primus, il était temps de mettre ce chaudron sur le rond du devant. »

En tant que gamin, c’était le film le plus extraordinaire qui soit. Pour ma génération, Willy Wonka est en quelque sorte notre Magicien d’Oz.

– Les Claypool

« Notre version s’apparente à la perception d’un jeune garçon – en l’occurence moi – qui regardait le film à répétitions et dévorait les bouquins. Les livres apportent une dimension assez sombre, voire épeurante. Je voulais que notre album soit à l’image de cela.”

Les barres de chocolat exclusives à la tournée.

Les barres de chocolat exclusives à la tournée.

Primus a poussé le concept au point de faire produire des barres de chocolat personnalisées, en vente tout au long de la tournée, qui débutait en octobre 2014. « Tu ne peux pas numériser une barre de chocolat », lance Claypool, façon de souligner l’importance, en cette ère du numérique, d’offrir une expérience englobante aux spectateurs.

Le groupe a aussi insérer une quantité très limitée de vinyles dorés parmi ses copies platines normales, comme les « golden tickets » du film. Ceux qui les trouveront auront droit à des accès pour tous les spectacles de Primus à vie… « Il en reste quelques-uns en circulation, mais je soupçonne que des collectionneurs, qui n’ont pas ouvert leur copie de collection, les aient sans s’en rendre compte ».

 

Le bassiste qui voulait faire des films

Ce projet relève non seulement d’une passion sans borne pour Willy Wonka, mais aussi d’une fascination marquée pour le cinéma en général.  Les Claypool ne s’en cache pas : « Si je n’étais pas bassiste et chanteur, je serais probablement devenu réalisateur ».

Lorsqu’il discute de Primus et de la collaboration avec le Fungi Ensemble, il parle de « direction de musiciens ». « C’est comme faire un film avec différents acteurs : tu as ta vision en tête, et tu dois savoir comment soutirer la meilleure performance de tes acteurs. Tu dois les guider, comme Scorsese avec Pesci et DeNiro. »

Mes héros, mes influences, les gens que j’admire, ce sont beaucoup plus les Frank Capra, Kubrick, les frères Cohen… Ils activent ma créativité.

Alors pourquoi être musicien plutôt que cinéaste ? « J’ai fait un film – N.D.L.R. : Electric Apricot, sorti en 2006 – et je suis aussi très impliqué dans les productions visuelles liées à mes projets musicaux. Mais c’est beaucoup plus lourd, plus compliqué. Ça prend des mois et des mois. Tu dois gérer l’argent des autres. Mon film m’a presque tué. Mais cela dit, j’étais prêt à en refaire un autre. J’adore ce médium. »

Photo par Greg

Les Claypool (Primus) au Rockfest de Montebello 2014. Photo par GjM Photography

Et ce qui le garde motivé en musique après plus de 30 ans ?  « Les collaborations. Les rencontres musicales. Ce sont comme des conversations avec des gens. »

« Pendant un certain temps, vers la fin des années 1990, (Primus) se dirigeait dans une drôle de direction : on courait un peu après le succès. Il était temps que le groupe se sépare. Depuis que nous sommes revenus ensemble, vers le milieu des années 2000, notre esprit était revenu au bon endroit, nous étions revenus à la vision originale du projet : créer de la musique qui nous impressionne nous-mêmes, et qui impressionne les gens que nous respectons. »

« Il y a certaines personnes en ce monde dont je vénère l’opinion, et lorsqu’on parvient à faire sourire ces gens-là, c’est le plus gros kick au monde. Comme lorsque j’apprends que Julian Barratt, de la série télé britannique The Mighty Boosh, est un grand fan, ça me fait quelque chose. Même chose avec Matt (Stone) et Trey (Parker) de South Park. Ou avoir la chance de collaborer avec Tom Waits depuis des années et de pouvoir le considérer comme un ami. Ces relations-là comptent plus pour moi que n’importe quel succès commercial. »

Sur ma pierre tombale, je souhaiterais que mon accomplissement principal, ce soit tous ces gens merveilleux gens avec qui j’ai eu des liens d’amitié et avec qui j’ai pu collaborer.

Bonus tripatif

Quelqu’un a eu la bonne idée de créer un « mashup » vidéo avec le film Willy Wonka and the Chocolate Factory en remplaçant les chansons originales par les versions revampées de Primus :

Primus & The Chocolate Factory (Mash-up – Edited into the original film) from Charlie Mahoney on Vimeo.

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