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Entrevue avec Moriarty | Danse entre la vie et la mort

Alors que quatre des musiciens de Moriarty sont venus présenter la pièce de théâtre Les Deux Voyages de Suzanne W. à l’Espace Go (dans laquelle ils accompagnent musicalement les acteurs), et que la formation vient de sortir son 4e album Epitaph, Sors-tu.ca en a profité pour parler longuement avec Stephan, contrebassiste et bassiste du groupe. Retour sur une conversation passionnante.

Photo de Gen Murakoshi

Photo de Gen Murakoshi


Des projets en filigrane

Cela fait déjà 20 ans que Moriarty est né, groupe qui a subi de nombreux changements depuis ses débuts. Car au départ, Moriarty n’était qu’un projet parmi d’autres pour les membres du groupe, partageant leur temps entre des activités artistiques en tout genre. « Au départ, c’était Moriarty qui était plutôt un projet un peu clandestin. L’un travaillait sur l’image de films, l’autre sur les arts plastiques, l’autre sur l’organisation de concerts…  Finalement, un jour, c’est Moriarty qui a pris le dessus, et les autres activités sont devenues un peu satellites. »

Photo de Caroline Laberge

Photo de Caroline Laberge – Les 4 membres de Moriarty pour Les Dexu Voyages de Suzanne W.

Le gain de popularité du groupe suite à la sortie de la chanson Jimmy en 2007 fera passer le projet en avant, mais pour autant les musiciens de Moriarty n’ont pas abandonné leurs multiples activités parallèles. C’est pourquoi on retrouve en ce moment quatre des membres à l’Espace Go, interprétant leurs compositions originales écrites pour Les Deux Voyages de Suzanne W. « Ca fait peut-être 8 ans, ou 9 qu’on fait surtout Moriarty, que ça prend 90% de nos vies. On a le sentiment que c’est plus sain aujourd’hui de prendre un peu de recul avec ça, et de retourner faire d’autres choses avant de revenir au groupe. C’est un aller-retour qu’il faut nourrir. »

C’est pourquoi quatre des membres de la formation ont accepté l’offre de Marc Lainé, réalisateur de la pièce et ami de longue date de Stephan.

 

Un 4e album de rites entre la vie et l’au-delà

Malgré ces diverses activités, Moriarty a sorti son 4e album Epitaph en ce début d’année. Un album au titre macabre, mais qui est pourtant loin du requiem. Il faut dire que « le passage de la vie à l’au-delà » comme aime à le dire Stephan a toujours été un sujet de prédilection de Moriarty. Des expériences ont renforcé cet aspect, comme lorsque les membres du groupe ont assisté à des rites mortuaires à la Réunion ou à Madagascar représentant pourtant un moment de vie extrêmement puissant.

« On est hantés par des thèmes […] Le thème de l’au-delà, des fantômes qui nous parlent, c’est quelque chose qui rend la vie plus intense. Il faut vivre la vie plus fort, plus intensément. »

Si beaucoup de chansons de l’album racontent ainsi un voyage vers l’au-delà, il  reste néanmoins qu’il en ressort quelque chose de rythmé et de dansant. Moriarty voulait tout d’abord séparer cette idée occidentale que la mort s’associe nécessairement à la lamentation. Mais aussi, ce côté entraînant est venu suite à des changements techniques au sein du groupe. « A l’intérieur même du groupe, on a changé d’instrument. Moi qui faisais de la contrebasse et de la basse, je me suis retrouvé à faire de la guitare. […] Il se trouve qu’avec la configuration qu’on a maintenant, Eric le batteur, et le bassiste Vincent ont une façon de jouer plus groove. » D’où le côté dansant d’Epitaph.

 

Une constellation de personnes

Moriarty est donc sorti de sa zone de confort pour ce 4e album en changeant volontairement d’instruments.  Le groupe s’est aussi appuyé sur plusieurs références littéraires pour l’album, dont l’œuvre Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov, que tous les membres avaient lu et qui, étonnement, retrouvait le thème chéri du passage de la vie à la mort.

Photo de Moriarty

Courtoisie de Moriarty

Car Moriarty est avant tout un collectif dont l’intimité des membres est peu évoquée, et pour lequel la littérature devient une source d’inspiration, comme le cinéma ou les voyages. Cette notion de collectif est renforcée par le fait que le groupe attend qu’une décision soit prise à l’unanimité pour la valider, ce qui crée forcément de longs débats entre les membres. « C’est comme les systèmes politiques : avec un dictateur ça va plus vite, mais c’est moins bien à vivre. »

Ce qui explique en partie les 4 albums seulement en 20 ans de carrière. «On essaye de s’en sortir avec les solutions les moins tièdes possibles, des solutions qui convainquent tout le monde, qui ont quand même une intensité. »

Finalement, Epitaph reflète bien ce qu’est Moriarty, la vision qu’ont les membres du groupe de ce projet ayant atteint une grande popularité et qui pourtant s’attache avant tout à l’idée d’ensemble, de collectif partageant avec sincérité au public ses chansons folk. Ce que Stephan résume :

« Moriarty c’est une sorte de constellation de personnes. […] Comme on fait de la musique ensemble, ce qu’on invente ensemble est plus important que les individualités. »


Les quatre membres de Moriarty participant à la pièce Les Deux Voyages de Suzanne W. seront jusqu’à la fin du moins de mai à l’Espace Go. 

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