crédit photo: Martin Lachapelle
Navet Confit

Entrevue avec Navet Confit | Dire plus avec moins

Navet Confit, le projet de Jean-Philippe Fréchette, sortait en quelques jours un nouvel album intitulé « Engagement, lutte, clan et respect » ainsi qu’un recueil de textes et de chansons au titre énumératif : « Les films, les desserts, les chaises, les souvenirs, les voyages, la radio, les vedettes, le journal, les rêves, les fantômes, les monsieurs, les animaux, les insectes, les médicaments, les voitures, les énumérations, la répétition et les énumérations ». Cerise sur le gâteau, Navet présentait également un spectacle pluridisciplinaire jeudi dernier aux Écuries, pour un soir seulement. Conversation avec l’artiste et retour sur un processus de création éclectique.

C’est en sirotant sa première gorgée de café du matin, selon lui « la meilleure », que Jean-Philippe répond au téléphone. L’artiste se trouve déjà au théâtre aux Écuries, où son équipe et lui s’assurent que tout soit bien en place pour le spectacle du soir, un évènement durant lequel seront entre autres présentés ses nouvelles chansons ainsi que des textes de son recueil. « En théâtre, on est habitués d’avoir trois semaines de show et de rouler à cinq shows par semaine. En musique, c’est pas le même principe. Je me voyais mal être en résidence pendant un mois à faire le même show, donc le concept c’est un nouveau spectacle, en plus d’un lancement d’album et d’un lancement de livre », explique l’artiste.

C’est pluridisciplinaire, c’est un genre de patchwork de tout ce que j’ai ramassé à travers les 15 dernières années, avec des collaborateurs avec qui j’avais le goût de faire quelque chose sur scène aussi. Il y a de la danse, des comédiens et des comédiennes, des projections, donc c’est vraiment très varié.

Un spectacle-manifeste

Durant les dernières années, Navet Confit s’est plutôt concentré sur le travail de studio et de théâtre que sur les spectacles de musique, ce qui lui a permis d’approcher le travail avec des équipes de productions ayant un peu plus de moyens qu’en musique, même si, au final, le milieu du théâtre est selon lui aussi sous-financé. « Le spectacle que je fais aujourd’hui, c’est vraiment une réflexion sur les moyens de diffusion pour une musique en marge. Je me suis buté souvent à ça et je me rendais compte que même après 12 ou 13 ans d’expérience et de spectacle avec Navet Confit, je finissais toujours par retourner jouer dans les mêmes salles que quand je commençais, quand j’avais 22 ans. »

Fréchette avait monté un spectacle aux sonorités plus punk pour son dernier album, LOL (2015), puisque c’était selon lui la formule la plus facile à reproduire partout, avec les moyens du bord; c’est un peu le même genre de réflexion qui l’a poussé à mettre sur pied son spectacle-lancement. « Je me suis dit qu’au lieu de perdre de l’argent en faisant une tournée avec Engagement, lutte, clan et respect (un nom loufoque, inspiré d’une réponse à un quiz pour adolescents sur l’engagement politique), j’allais perdre de l’argent en faisant un seul gros show. Je vais vraiment aller dans la démesure de toutes les niaiseries qui me passent par la tête et que j’ai le goût de faire avec la musique, les projections, les éclairages… parce que quand tu mets autant de moyens et d’énergie sur quelque chose de bizarre, ça devient un statement », explique-t-il.

L’album est également gravé sur vinyle, ce qui valide également, selon lui, le sérieux de sa démarche, comme le processus reste assez onéreux. « J’suis pas juste un punk qui enregistre n’importe comment et complètement stoned. Il y a une marge, une recherche et une volonté de rejoindre tel public ou tel autre à travers ça », renchérit-il.

Quand tu mets autant de moyens et d’énergie sur quelque chose de bizarre, ça devient un statement

L’influence de la scène

Il n’est pas étonnant qu’après 15 ans de carrière en musique, le son pop-rock et le processus de création de Navet Confit aient évolué. Cependant, l’artiste avoue avoir, dans les dernières années, emprunté un chemin particulier. « Depuis les deux derniers albums, j’ai l’impression de m’éloigner beaucoup de moi », explique Fréchette, qui considère avoir toujours été dans un rôle d’observateur, lui permettant de prendre du recul pour analyser des choses souvent anodines. « Ce regard-là devient de plus en plus peaufiné, et la manière de l’écrire aussi devient de plus en plus minimale. Il y a souvent juste deux ou trois phrases par chanson, maintenant. Je trouve qu’on parle beaucoup trop de toute façon, donc c’est ben correct de même, de juste utiliser moins de mots » explique-t-il en s’esclaffant au bout du fil.

Celui qui a lu énormément de poésie et a également accompagné plusieurs poètes sur scène dans les derniers temps (Marjolaine Beauchamp pour son lancement de Fourrer le feu et les poètes des Herbes Rouges pour les 50 ans de la maison d’édition, par exemple) admet que ça a aussi changé sa façon de créer. « Tout ça, pour moi, c’était complémentaire à la démarche dans laquelle j’étais en train de m’inscrire pour écrire ces nouvelles chansons. Mon but, c’était vraiment d’y aller dans le minimalisme et le miniature, de faire les plus grandes images avec le moins de mots possible », conclue-t-il.

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