Patrick Timsit

Entrevue avec Patrick Timsit | Être insoupçonnable

On connait Patrick Timsit pour ses rôles au grand écran dans Un Indien dans la ville ou encore dans L’Emmerdeur, mais moins en tant qu’humoriste sur scène, du moins de notre côté de l’Atlantique. Pourtant il connait une carrière florissante dénombrant sept one-man shows dont le plus récent, On ne peut pas rire de tout, sera présenté chez nous à L’Olympia le 18 février prochain.

Rencontrer Patrick Timsit, c’est comme rencontrer un vieil ami. Il est arrivé en discutant musique avec l’équipe de L’Olympia et s’est assuré d’inclure tout le monde dans la discussion. Il nous a balancé du Rag’n’Bone Man et la plus récente de Christophe, Océan d’amour, visiblement la favorite de Timsit.

Il a bien fallu fermer YouTube à un moment donné, Patrick Timsit était venu de France pour discuter de son spectacle. L’humoriste est un amoureux du Québec et comprend comment bien présenter son spectacle au public québécois. « Y’a des références françaises qui ne marchent pas ici. Dans le stand-up, je trouve que l’exercice vous impose de faire attention. » Il était venu faire un tour par le festival Juste pour rire en 2009 avec son One Man Stand-Up Show, puis en 2016 au Théâtre du Nouveau-Monde avec la pièce de théâtre Inconnu à cette adresse mettant également en vedette Thierry Lhermitte. « Je trouve que le Québec, ce sont les Latins de l’Amérique du Nord. Ce sont des gens à qui on peut parler, qu’on peut toucher. En Amérique du Nord, on ne peut plus toucher personne! Que ce soit un bras, une main, les gens sont offusqués. »

En France, On ne peut pas rire de tout a connu un franc succès. Ce sera la première fois qu’il sera présenté ici, au Québec. « Je ne vais pas faire ni d’accent, ni de rien du tout, d’abord, je ne sais pas faire ça, puis c’est pas mon truc. En revanche, effectivement, il peut y avoir quelques allusions au fait que je sois ici…mais j’ai vraiment envie de faire mon spectacle. Bien sûr, je vais l’adapter, mais je ne vais pas tout le temps revenir sur Montréal, tout le temps revenir sur les Québécois. Ce sera vraiment des sujets qu’on aura ensemble. Aussi bien les religions, l’Amérique ou l’immigration, par exemple. »

« Quand j’écris mes sketchs, c’est en fonction de ce que je ressens, ma colère, mes envies, les choses qui me sont insupportables. Et la forme, c’est de faire rire. Moi je suis dans le social, pas dans le politique. Je ne ferai pas semblant de devenir Québécois tout d’un coup, de m’intéresser à la politique québécoise pour dire Trudeau ceci ou Trudeau cela. C’est pas moi qu’il faut venir voir, il y en a des Québécois qui savent très, très bien faire ça. »

Rire avec et non de

La prémisse de On ne peut pas rire de tout se veut tout à fait le contraire: démontrer qu’on peut, oui, rire de tout, tout dépend de la manière dont on en rit. « Moi, mes sujets, ils sont dans la vie de tous les jours. Pas des petits sujets du quotidien comme pourrait le faire avec magie Gad Elmaleh, que ce soit l’armoire IKEA ou quoi que ce soit. Moi, ce sera dans un ton que tout le monde connait, un peu caustique, mais cynique, jamais. Je suis à fond dedans. »

Chaque pointe lancée est réfléchie et assumée d’avance. « Si je crains pour une blague, je ne la fais pas. Si ça bouscule et que c’est apprécié, je vais le faire. Je ne suis pas dans cet instinct de provocation. Souvent pour moi, ça commence par un oh! et ça finit avec un rire. Si le rire n’est pas à l’arrivée, ça ne m’intéresse pas. » Le spectacle a été monté pour démontrer qu’on peut rire de n’importe quelle situation, qu’on peut rire de tout le monde, même, si la situation se présente, de son public. « Ça c’est possible, mais je ne vais pas la chercher. Une improvisation, c’est une vraie improvisation pour moi. Ce serait quelqu’un qui se lèverait pour aller aux toilettes, par exemple, et moi qui vais lui parler. Les retardataires dans les premières rangées, je vais leur parler. »

Patrick Timsit fait toutefois bien la différence entre rire et se moquer. « Je ne me moque pas. Si je ris des handicapés, c’est avec les handicapés. Ça ne m’intéresse pas sans eux. C’est pour les inclure dans le spectacle. Je peux aller loin, mais je vais loin avec eux. Même, je vais vous dire, ils vont bien plus loin que moi et je ne pourrais pas faire la moitié des blagues qu’ils se font entre eux. Mon propre père est dans un sale état et je voulais absolument qu’il voie mon spectacle. Tout est dans l’autodérision. Mon père n’échappera pas à mes blagues, tout comme moi je n’échappe pas à mes propres fils quand ils me vannent. »

« Quand on pratique cette forme d’humour, il faut vraiment être insoupçonnable. Je ne peux pas être soupçonné de racisme, je ne peux pas être soupçonné de me moquer des handicapés, je suis insoupçonnable. Trump qui s’est moqué du journaliste handicapé, ce n’est pas ce que je fais. Ça, c’est monstrueux. »

Dans son spectacle, l’humoriste français n’incarnera pas des personnages comme tels, mais emploiera certains tons bien choisis pour amener ses propos. On pense au macho ou encore au naïf, mais il nous assure que ce sera du Timsit comme on ne l’a jamais encore vu, ni sur les planches ou au grand écran. « J’ai eu cette chance, moi, de pouvoir faire plein de choses différentes. Ce que je fais au cinéma ne vous aidera pas à comprendre ce que je fais sur scène. C’est ce qui me régale dans la vie. Quand je fais du stand-up, je suis en stand-up, je ne fais aucune référence à moi dans le cinéma. Quand je fais du cinéma, c’est quand je me dis que j’en ai marre d’être seul. »

Patrick Timsit sait déjà la manière de s’y prendre pour charmer le public québécois. « Il faut que je sois humble et que je me présente, pour ceux qui ne me connaissent pas. C’est à ça que je vais faire attention. Plutôt que de rentrer dedans et que les gens soient hermétiques à tout ce que je vais dire après, je vais essayer de faire le contraire. C’est en devenant un peu copain qu’on peut plus dire des choses qui vous taquinent. »

En attendant la prochaine invitation au Québec, qui ne risque pas de se faire attendre trop longtemps, Patrick Timsit se produira à L’Olympia le 18 février prochain. Quoi de mieux qu’une bonne soirée en bonne compagnie pour une bonne dose d’autodérision?

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