Thomas Wiesel

Entrevue avec Thomas Wiesel | « Le cœur du stand-up francophone est à Montréal »

En rodage après avoir accumulé de nombreux projets outre-Atlantique, l’humoriste suisse Thomas Wiesel se délecte de l’anonymat que lui procure Montréal pour essayer du nouveau matériel dans les clubs de la ville. C’est autour d’une inévitable poutine que le jeune homme nous raconte son affection pour la métropole mais aussi les différences entre la scène humoristique québécoise et celle de son pays d’origine.

« Ici, c’est win-win : quand je viens je suis content, et quand je repars aussi ». Comme beaucoup de ses compatriotes, Thomas Wiesel aime Montréal. Toutefois, le Suisse appréhende un élément à chacune de ses visites : le décalage horaire. « J’ai toujours ce problème, je n’arrive jamais à faire ça juste. Bon, je suis déjà fatigué de base, alors si on me rajoute des obstacles, ça complique les choses », ironise-t-il en mangeant une bouchée de patates écrasées. Pourtant, s’il y a une chose qui n’est pas un obstacle pour Thomas Wiesel, c’est l’humour.

Un humoriste passionné du Québec

Impressionné par la passion que noue le public québécois avec ses humoristes, le natif de Lausanne trouve la scène locale agréable et en apprécie ses représentants tels que Mike Ward, Mariana Mazza ou Yannick De Martino. Pensif, Thomas Wiesel ne peut d’ailleurs s’empêcher de comparer la situation avec celle de son pays d’origine, un exemple dont la patrie à croix blanche ferait bien de s’inspirer. « Il y a un vrai patriotisme culturel au Québec et ce qui vient d’ici est défendu. On est tout l’inverse en Suisse, nous c’est la honte du terroir et dès qu’il y en a un qui réussit, on lui tire dans les pattes », se désole-t-il. Autant dire que pour lui, venir au Québec s’apparente à une bouffée d’air frais. Et pas qu’à cause des températures d’automne.

Depuis sa première visite professionnelle de Thomas Wiesel en 2015, Montréal est devenue un pèlerinage évident. Passionné par la culture québécoise, l’humoriste suisse épluche l’actualité de la province durant l’année pour rebondir dessus en spectacle et apprécie particulièrement ses visites estivales. « Il y a deux mois avec l’humoriste français Fary, on faisait toujours la même chose : bruncher, écrire un peu, faire du sport et jouer sur scène. C’était un programme qui me convenait parfaitement ». Pas besoin de plus pour l’humoriste, qui s’inspire ainsi de ses collègues. « J’adore aller aux festivals francophones mais voir aussi des stars anglophones. J’ai vu Dave Chappelle, Mike Birbiglia, Bill Burr et plein d’autres que j’aime beaucoup ».

À vrai dire, le stand-up à l’américaine est une formule qui plaît beaucoup à ce diplômé d’HEC qui quitta rapidement le monde de la comptabilité pour celui des planches. « Le stand-up est un mot qui était inconnu il y a 5 ans chez nous. La scène n’était pas très développée », précise-t-il entre deux gorgées d’eau. « Ici, dès que tu commences, il y a des dizaines de personnes derrière toi, il y a l’École nationale de l’humour et tu peux aussi côtoyer des gens qui font les mêmes choses. En Suisse, on était quelques uns à être livrés à nous-mêmes ».

Retour sur scène après la radio et la télévision

Dans ses chroniques ou sur les réseaux sociaux, Thomas Wiesel n’hésite d’ailleurs pas à donner son avis politique dans un pays où « l’on n’a pas trop l’habitude d’assumer le fait de n’être pas d’accord avec tout le monde ». Avec son caractère caustique, parfois même cynique, son humour fait mouche autant qu’il peut en irriter certains. Mais le plus important pour lui, c’est que « les gens ne rient pas de toi mais rient avec toi ».

Tout comme Marina Rollman ou encore Charles Nouveau, le Lausannois fait partie de cette nouvelle génération d’humoristes suisses qui arrivent à s’exporter hors des frontières helvétiques pour pratiquer leur art. En effet, avant de présenter Mauvaise Langue le printemps dernier sur la Radio Télévision Suisse (RTS), Thomas Wiesel ironisa quelques mois sur l’actualité dans les émissions à succès que sont Quotidien sur TMC et La Bande Originale chez France Inter.

Ces belles expériences useront toutefois l’homme de 29 ans. « Ce qui était difficile, c’est que j’avais du job à Lausanne toute la semaine et je faisais juste l’aller-retour à Paris une journée. Je me suis physiquement flingué, j’ai fini la saison sur les rotules ». Ainsi, lorsqu’on lui demande sur quel support il préfère jouer, celui qui participa au Zoofest et ComédiHa! répond avec amusement être « mal à l’aise partout ». Pourtant, derrière cette boutade, tout n’est pas négatif. « Je trouve que c’est un équilibre intéressant, mais je ne pense pas avoir su le maintenir ces deux dernières années ». De cette effervescence de décortiquer l’information s’installe finalement une lassitude du scandale :

« En fait, quand tu dois pondre chaque semaine 10 à 30 minutes de blagues sur l’actualité, tu n’as pas le temps de faire autre chose. Même si tu dégages du temps, tu es vidé et ça rend ton écriture très différente. On a maintenant un cycle d’actualités qui est rapide, une information en chasse une autre et ton indignation du jour sera balayée le lendemain. Prendre du recul ça fait du bien. »

Pour cette raison, Thomas Wiesel a saisi l’opportunité de revenir jouer, tester et peaufiner des sujets intemporels sur les scènes montréalaises, pour se remettre aussi en selle. « Mon style correspond assez bien avec le public québécois. Je ne suis pas un comédien dans l’énergie, dans le jeu », précise-t-il. « La première fois que je suis venu, la rencontre s’est faite. À chaque fois que je rentre en Suisse, j’ai un petit pincement au cœur… ».

Après trois mois de pause, l’helvète réécrit enfin pour la scène afin d’être prêt pour un probable spectacle à l’automne 2019. En attendant, l’occasion est belle de se confronter à ses vannes pendant la semaine à venir à l’Abreuvoir (14 novembre), au Brouhaha Rosemont (15 novembre), au Bois des Filion (21 novembre) et enfin au Bordel, « le Comedy Club parfait » (14, 17 et 20 novembre).

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