Jake Bugg

Entrevue | Jake Bugg : Pas question de chômer…

Dimanche dernier, le jeune prodige britannique Jake Bugg revenait à Montréal pour un troisième concert en cinq mois. Cette ardeur au travail est à l’image du jeune homme que Sors-tu.ca a rencontré en coulisses, peu avant sa prestation au Métropolis. Sérieux, maturité et diligence. Tout ce qu’il faut pour permettre à son talent brut d’éclore.

Son premier album, Jake Bugg, était lancé à l’automne 2012 et a tôt fait de créer un buzz, grâce à des chansons comme Seen It All, Trouble Town et Lightning Bolt. Mais surtout cette voix, cette griffe singulière et cette dégaine de vieux routier qui contraste avec la jeune bouille du chanteur.

Photo par Catherine Rosa

Photo par Catherine Rosa

Il a tourné et tourné et tourné, multiplié les shows et les apparitions dans les médias, répondant à l’affolante demande. En temps normal, un tel processus aurait ralenti la création d’un deuxième album, ce qui n’a pas été le cas avec Jake Bugg. Un an après Jake Bugg paraissait Shangri La. « Selon les standards d’aujourd’hui, les gens trouvent que c’est assez rapide, souligne-t-il au sujet de la courte durée entre les deux albums. Mais lorsqu’on recule il y a 40 ou 50 ans, les artistes lançaient un album lorsqu’il était prêt, peu importe. Et j’étais prêt avec ce nouveau disque. »

Entre deux séries de spectacles, l’artiste a eu le temps d’aller s’enfermer en studio avec l’illustre Rick Rubin, à Malibu. Mais surtout, il avait eu le temps d’écrire assez de nouvelles chansons pour constituer ce nouveau disque. « Pour moi, jouer, écouter et créer de la musique, c’est mon exutoire. Parfois, mes journées sur la route prennent des tournures un peu folles. Tout déboule très rapidement, et prendre le temps de m’asseoir avec une guitare, c’est mon moment thérapeutique. Ça me tient aller, et ça me rappelle pourquoi je fais tout ça. Alors ce n’est pas un effort de créer sur la route ».

En peu de temps, Jake Bugg a non seulement écrit assez de chansons pour constituer un disque complet, mais il a également réussi à construire un disque plus cohérent, dans l’ensemble, que le précédent, qui agissait davantage comme une collection de chansons. « Les titres du premier album provenaient de différentes époques, sur quelques années. Celles de Shangri-La ont été créées au cours de la dernière année, et représentent bien ce court laps de temps dans ma vie. C’est forcément plus cohérent. Et c’est ce que je recherchais. »

Sur Jake Bugg, il explorait son vécu d’ado anglais, de son humble quotidien de l’époque. L’inspiration pour Shangri La était forcément différente… mais pas tant que ça.  « C’est certain que mon premier album parlait de ma petite vie tranquille à Nottingham. Maintenant, lorsque j’y retourne, ça fait étrange : c’est l’endroit que je connais le mieux au monde, mais j’ai passé tant de temps loin de là que ça me paraît différent. Je perçois cette vie d’un point de vue extérieur. Je peux parler de la même chose, mais la décrire d’une perspective différente. »

Perspective différente pour écrire, mais le jeune homme de 19 ans parvient-il à s’identifier à ces chansons du premier disque, créées alors qu’il était un modeste ado ?  « La plupart de mes chansons – mes premières chansons, surtout – sont directement liées à un moment précis de ma vie, alors quand je les chante, je m’y projette à nouveau et ça me permet de les interpréter comme si c’était encore la première fois. »

« Mais les réécouter, ça me fait un effet différent. Je n’ai pas tendance à réécouter les versions enregistrées ; une fois qu’elles sont sur disque, elles ne m’appartiennent plus. Elles appartiennent aux auditeurs et c’est à eux à leur donner un sens. »

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Coqueluche sans flafla

On dit souvent de Jake Bugg qu’il est un jeune homme avec une « vieille âme » : aucun article à son sujet parvient à éviter l’indécrottable comparaison avec un jeune Dylan, par exemple. Pourtant, le principal intéressé ne se sent pas davantage inspiré par la musique d’une époque au détriment du présent. « La musique, c’est la musique, peu importe l’époque à laquelle elle est associée. Je me fous que ce soit nouveau ou vieux. Si c’est une pièce de musique classique des années 1600, si je ne l’avais jamais entendue avant, c’est nouveau, tu comprends ? »

Photo par Catherine Rosa.

Photo par Catherine Rosa.

Il y a pourtant un contraste étonnant entre son attitude sur scène et son niveau de popularité, surtout pour les standards clinquants du moment. Son flegme – voire son statisme – n’a rien d’un Ed Sheeran. Il a beau avoir le même âge que Bieber et que deux des quatre membres de One Direction, Jake Bugg n’est pas un bon produit MTV, criant et tape-à-l’oeil.

Il en a rien à cirer des steppettes et des paillettes. « Les gens achètent des billets pour m’entendre chanter les chansons auxquelles ils m’associent. Pas pour me voir danser, ou m’entendre raconter ma vie. Certaines personnes sont intriguées, veulent connaître l’histoire derrière une chanson, mais personne veut entendre l’histoire de ma vie, c’est ennuyant. Surtout quand ça se retrouve déjà dans les chansons. »

« Moi, ce qui m’intéresse, c’est de m’asseoir – ou de me tenir debout – et de jouer mes chansons. »

C’est ce qu’on constate en le voyant sur scène. C’est d’ailleurs l’un des seuls reproches que l’on peut lire à son sujet.

N’empêche, l’artiste timide et généralement peu enclin aux chichis de la pop s’ouvre peu à peu. S’il parvient à trouver son juste milieu entre son calme naturel et un faux je-m’en-foutisme, tout porte à croire qu’il vivra de son art encore bien longtemps.

Jake Bugg Interview - Montreal - 2014 - 10

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