Kodo

Evolution par les Japonais de Kodo à la Place des Arts | Des tambours qui ont une âme

Les tambourineurs japonais de la compagnie Kodo nous ont déjà quittés pour Toronto, mais le son de leurs tambours absolument spectaculaires résonne encore dans nos têtes. Kodo arrive à la fin de sa longue tournée nord-américaine de quelque 30 villes, pour célébrer ses 35 ans d’existence. Le spectacle Evolution, qui comprend 11 numéros créés entre 1977 et 2016, avec ses 16 interprètes aguerris, a bien failli faire sauter le plafond de la Salle Wilfrid-Pelletier.

Le directeur artistique, Tamasaburo Bando, a conçu un spectacle inédit à partir desœuvres les plus puissantes du répertoire de la compagnie, y compris des plus récentes comme Rasen (Spirale) créée par lui-même en 2016. La troupe, de renommée internationale, est basée sur l’île japonaise de Sado, haut lieu de culture, de traditions séculaires et de spiritualité où la compagnie au fil des ans a poussé plus loin l’usage cérémonial du taïko, une pratique énergivore dont on ne peut se douter de l’intensité artistique sans avoir vu à l’œuvre ces kamikazes du tambour.

Les adeptes de taïko se soumettent à au moins deux années d’apprentissage au Centre de formation de Kodo, situé sur cette petite île qu’on dit superbe. Mais, il n’est pas nécessaire de connaître la tradition japonaise pour apprécier le spectacle. La puissance de la vibration des gigantesques tambours, aussi bien que les plus petits en rangée, étant la même pour tout public.

Le mot « kodo » a un double sens en langue japonaise : il peut être traduit par « battement de cœur », à la base de toute rythmique vitale, aussi bien que par « enfants du tambour », pour inclure tous les publics comme un jeu à plusieurs. Les deux traductions s’appliquent en même temps tout au long de la performance qu’on imagine des plus exténuantes pour les interprètes, majoritairement masculins, mais comptant aussi au moins quatre femmes musiciennes dans ses rangs.

Et c’est bien là le défi que Kodo relève chaque fois, soit de créer une « musique » issue du battement des tambours, laquelle repose accessoirement aussi sur la flûte à bec, les petites cymbales dorées, le gong et autres instruments de percussion. Chacun des numéros, exécutés avec force, dextérité et amplitude, est très différent des autres. Ce qui fait qu’on ne s’ennuie pas une seule seconde. Bien au contraire, le rythme ambiant, jamais assourdissant, se prête aussi à la danse, aux cris libérateurs et aux chants incantatoires.

Au prix du déploiement de forces athlétiques de la part des interprètes, le spectacle tire admirablement un trait d’union entre tradition et modernisme. Les interprètes, sommairement vêtus de blanc et pieds nus, y vont de plusieurs inventions originales, comme la main glissant avec sensualité sur la peau du tambour, quand ce n’est pas en en modifiant la sonorité par le frottement du coude. Chaque numéro, empreint d’une dévotion intangible par ses exécutants, atteint un paroxysme qui ne se compare à rien d’autre sur une scène.

Depuis les tout débuts de la troupe au Festival de Berlin en 1981, Kodo a donné plus de 6 000 représentations dans une cinquantaine de pays sur les cinq continents. On ne peut imaginer le défi que représente la logistique du transport de tout ce beau monde venu de loin, mais aussi, plus colossal, le transport de ces immenses et très nombreux tambours qui ne se mettent pas dans une soute à bagages normale.

Les Japonais, en tant que peuple millénaire, ont beaucoup à apprendre aux sociétés modernes comme la nôtre. C’est pourquoi la spiritualité qui sous-tend le spectacle dans son ensemble, vient ajouter un fort sens du sacré à l’énergie musicale des tambours. Dommage que Kodo ne nous ait proposé qu’un seul soir à la Place des Arts, car certains spectateurs en auraient bien pris une seconde fois d’affilée.

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