Fabien Cloutier

Fabien Cloutier au Théâtre Outremont | L’irrévérence assumée de Fabien Cloutier

Après une tournée de rodage en région, Fabien Cloutier célébrait hier la rentrée montréalaise de son plus récent spectacle solo, Assume. À cheval entre le conte urbain, le stand up et le monologue pur, l’orateur tisse, toujours avec sarcasme et désinvolture, une toile de fabulations délicieusement inusitées et grossières. Portrait d’une performance singulière.

« Je n’ai jamais tué d’écureuil à coup de marteau. » L’avertissement est lancé ; tout ce que dit ou dira Fabien durant le spectacle est le fruit d’une exagération, d’une ironie exposée au grand jour.

Il prépare le public au dérapage. Car pour déraper, il dérape. Il n’épargne personne. Les minorités visibles et invisibles, les gros, les laites, les tout croches, les nounounes ; sans ménagement et sans distinction, tout le monde passe au tordeur. Des jokes de pédophiles, de vaginites, d’animaux morts, rien de trop déplacé ou de trop ci ou de trop ça ; nous sommes avertis.

Il s’est fait le cadeau d’assumer, et ça marche. Il entraine le public dans toutes sortes de directions plus consternantes les unes que les autres, en mettant en lumière les préjugés véhiculés par notre société. Il joue le gars qui chie sur la tête de tout le monde, mais on reconnait la sensibilité et la prise de position en arrière.

Seul avec un micro sur pied et un écureuil empaillé, il livre une performance verbale agile et son niveau d’énergie demeure tout au long. Appuyé par des jeux d’éclairages et des musiques originales soutenant l’intrigue, il s’amuse comme un enfant à imiter, dénoncer, critiquer, démaquiller les tabous et les non-dits. La mise en scène reste centrée, sans devenir statique, et les mots restent les grandes vedettes de ce monologue hilarant.

Habile orateur, plume fine

Qu’on adhère ou non à la convention d’indiscrétion de Fabien Cloutier, on ne peut nier son habileté pour l’écriture. Les expressions les plus crues se métamorphosent en bijoux de poésie sous nos yeux ébahis. « Collectivement, nous nous en tabarnaquons. » devient rapidement une conjugaison tout à fait acceptée, à condition d’adhérer à la convention de vulgarité assumée.

Celui qui nous avait offert la renversante pièce Billy ou les jours de hurlement, qui traitait aussi de nos préjugés collectifs et de la peur de l’autre, réussit à jongler avec la grossièreté de nos opinions déplacés pour les décliner en leçon de sagesse. Il se permet des prises de position sans punch, sans craindre les malaises créés par la provocation. C’est d’ailleurs un terrain de jeu très fertile que ce genre de show pour les « non-humoristes » ; comme le public ne s’attend pas à du stand-up classique, Cloutier peut se permettre de ne pas obtenir le rire à tout prix, et ainsi naviguer vers le monologue plus théâtral, toujours dans une fluidité parfaite.

Bien sûr, il faut garder en tête que le contenant ne l’emporte pas sur le contenu ; on ne retient pas que le vulgaire et l’irrévérencieux de l’artiste, mais surtout ces dénonciations et les causes qui lui tiennent à coeur. C’est un travail admirable et tout un défi que de se permettre de créer ce genre de spectacle tout à fait singulier et personnel. Si vous assumez aussi, vous ne le regretterez pas.

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