Festival du Jamais Lu

Festival du Jamais Lu 2016 | Rencontre avec Marcelle Dubois

La 15e édition du Festival du Jamais Lu bat son plein jusqu’au 6 mai au Théâtre Aux Écuries. Nous avons rencontré sa cofondatrice et actuelle directrice artistique, Marcelle Dubois, pour partager sa passion envers l’écriture dramatique contemporaine, et son rôle de transmission du flambeau à des jeunes auteurs qui ne demandent qu’à se faire découvrir. Et ils sont pas moins de 47 auteurs cette année à profiter de ce tremplin pour la relève en écriture pour le théâtre.

Photo par Gilles G. Lamontagne.

Photo par Gilles G. Lamontagne.

Le slogan de la présente édition est « Embrasser large ». Au cours des ans, il a été « Jusqu’où te mènera ta langue », « Donne-moi ton feu », « S’appartenir », ou encore « Le théâtre de demain… dès maintenant ». Marcelle Dubois souhaite que le festival s’ouvre de plus en plus à la parole étrangère, sans pour autant négliger les auteurs québécois. L’édition de cette année regroupe, en plus de ceux du Québec, des auteurs de France, de Suisse, de Belgique et d’Afrique francophone.

Il y a 15 ans, Marcelle Dubois était serveuse au petit Café-théâtre L’aparté, rue Saint-Denis, juste en face de l’École nationale de théâtre qui en était la clientèle naturelle. « C’était un lieu très politisé, très engagé. Je servais des cafés aux auteurs sans connaître leurs textes. Je me suis dit qu’il fallait absolument les faire entendre. Alors, j’ai créé un événement d’une dizaine de jours à ce Café-théâtre de 40 places, avec une toute petite scène. Mais, parmi eux, il y avait Évelyne de la Chenelière, François Létourneau et Francis Monty qui sont maintenant des auteurs confirmés. »

L’événement n’était pas prévu pour être récurrent, mais l’enthousiasme de la part des auteurs et du public fut tel qu’il y eut récidive l’année suivante, avec le même désir spontané de faire entendre de nouvelles paroles, et de « casser » des textes aussi, de les tester, comme le dit Marcelle Dubois.

Tranquillement, on a grandi. On a commencé à recevoir des sous des gouvernements, on s’est donné une structure, je me suis mise à voyager avec mes propres textes et à tisser des liens avec la francophonie à l’international. Puis, je me suis prise à mon propre jeu.

Festival de Limoges

Marcelle Dubois a écrit six pièces, portées par sa compagnie, le Théâtre des Porteuses d’Aromates. Sa dernière création, Habiter les terres : utopie d’une révolte rurale, a été présentée en février dernier aux Écuries, dans une mise en scène de Jacques Laroche, avec notamment Félix Beaulieu-Duchesneau et Jean-François Nadeau. La pièce fera partie de la programmation du prochain Festival de Limoges. Il sera intéressant de voir la réaction du public français à cette histoire boréale où les habitants d’un petit village reculé dans le Nord, décident, avec leur ours et leurs outardes, de kidnapper le ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Occupation du territoire pour le planter dans un champ de navets, à 17 heures de la capitale, avec l’intention de se faire entendre.

« Je suis une auteure amie de Limoges, dit-elle ensuite, soit en résidence d’écriture, soit avec la mise en lecture de mes textes, soit par la conception d’événements spéciaux. C’est comme ma famille artistique. D’ailleurs, plusieurs des auteurs du volet « 5 à 7 Frenche la planète » au Jamais Lu, je les ai rencontrés à Limoges. »

Photo par Gilles G. Lamontagne.

Photo par Gilles G. Lamontagne.

De quoi parlent ces nouveaux auteurs? Quelles sont les thématiques qui se retrouvent dans leurs écrits pour le théâtre? « En 15 ans, répond-t-elle, j’ai constaté qu’il y a des cycles dans la dramaturgie. Dans l’ensemble, les auteurs de cette année se positionnent face à des enjeux très larges, contemporains, comme notre rapport à l’information, la surveillance informatique avec nos cellulaires, notre rapport au féminisme aussi, ce que ça veut dire de s’accomplir en tant que femme en 2016. Le monde a beaucoup changé et tout va très vite. Les auteurs se positionnent donc en majorité face à cette nouvelle vitesse du monde et aux enjeux de société qui en découlent. »

Bal littéraire en AZERTY-QWERTY et autres productions

Embrasser large, voulait dire mardi soir aux Écuries une écriture à quatre mains par deux Québécois, Jean-François Rochon et Louis-Charles Sylvestre, et deux Françaises, Alison Cosson et Marilyn Mattei. La lecture, coiffée du titre Bal littéraire en AZERTY-QWERTY, était livrée par portions de cinq à huit minutes chacune, entrecoupées par une chanson avec le son à plein régime pendant laquelle le public se levait spontanément pour s’éclater en dansant, puis retournait s’asseoir pour entendre la suite.

Bal littéraire en QWERTY-AZERTY. Photo par Gilles G. Lamontagne.

Bal littéraire en QWERTY-AZERTY. Photo par Gilles G. Lamontagne.

Du théâtre disco donc, que les auteurs ont nommé une fable dansante. Le texte, foisonnant, est une sorte de voyage artistique qui nous mène de l’aéroport de Barcelone, avec le dilemme partir ou rester, puis dans un salon funéraire au Québec avec le dilemme cette fois d’avoir ou ne pas avoir d’enfants, puis en 2030 à Oslo et sa réserve de semences, en 2040 en Australie où tout le monde est bilingue et fait des allers-retours routiniers vers le Complexe hôtelier lunaire, et aboutir en 2060 dans le sud de la France où ce sont des robots domestiques qui lancent leur « putain de bordel de merde », pendant que l’humain s’interroge encore sur le sens à donner à la vie et à la mort.

Mercredi soir, on pourra assister à une lecture d’un texte de Catherine Léger, Baby-Sitter, avec entre autres David Boutin. Jeudi matin, à 10h, il y aura une rencontre professionnelle intitulée Textes, Toasts, Croissants, ouverte à tous, essentiellement avec les artistes internationaux invités au présent festival.

Outre les lectures des deux derniers jours, il y aura la Fenêtre ouverte sur la classe de maître d’Évelyne de la Chenelière, également ouverte à tous, intitulée Impulsions d’écriture. Une réflexion par l’exemple de huit jours d’exploration dans tous les sens de la dramaturgie d’aujourd’hui.

Enfin, pour clore en beauté cette 15e édition du Festival du Jamais Lu, un méga party littéraire vendredi soir, Faire avec, animé par Alexandre Cadieux et Olivier Morin, avec 15 artistes, toutes disciplines confondues, inspirés par 15 textes. Le programme en parle comme une « rétrospective festive, potluck d’arts vivants, blind dates multidisciplinaires, échanges de mots, de muses, de salives, une célébration de la jeune dramaturgie québécoise par tous et pour tous! »

« Nous avons de petits moyens, mais de grandes ambitions », conclue Marcelle Dubois dont une édition distincte de son festival se tient également chaque année à Québec et à Paris.

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