Fidelio

«Fidelio» par L’OM de Yannick Nézet-Séguin et L’Opéra de Montréal | L’unique opéra de Beethoven

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Beethoven, considéré comme le précurseur de la musique romantique, aussi prolifique qu’il ait été en symphonies, concertos, quatuors et sonates, n’aura composé qu’un seul opéra. Et c’est Fidelio, que dirige à la Maison Symphonique de Montréal le chef bien-aimé Yannick Nézet-Séguin qui, c’est sûr, a un don d’ubiquité autant que musical.

Opéra en deux actes n’ayant rien d’hermétique, Fidelio a été créé à Vienne en 1805 sur un livret en langue allemande. C’est donc en allemand, avec des surtitres en français et en anglais, qu’il est chanté à la Maison Symphonique par de fortes pointures venues tant du Canada que de la Norvège, des États-Unis et de l’Italie.

C’est d’ailleurs le jeune ténor québécois Jean-Michel Richer qui part le bal, aux côtés de la soprano norvégienne Lise Davidson. Richer s’est fait rapidement un nom, entre autres pour avoir chanté le personnage du père dans Another Brick in the Wall, et celui de l’amant Vallier dans Les Feluettes, sur un livret du dramaturge Michel Marc Bouchard, deux productions relativement récentes de l’Opéra de Montréal. Cette saison, Jean-Michel Richer fera ses débuts au Pacific Opera Victoria en relevant le défi du personnage central de Don José dans Carmen de Georges Bizet.

Photo par François Goupil

Beethoven a campé son opéra dans l’obscurité froide et humide d’un cachot sinistre de l’Espagne du 18e siècle, alors que n’importe qui pouvait s’y trouver enfermé à la suite d’arrestations arbitraires parmi les opposants au pouvoir. Mais voilà que Fidelio n’est autre que Léonore, chantée par Lise Davidson, une noble de l’orgueilleuse société de Séville qui s’est déguisée en homme afin d’aller retrouver son mari, Florestan, un prisonnier politique enchaîné quelque part dans un trou à rats souterrain de l’infâme donjon. « Faudra-t-il que je creuse la tombe de mon époux? », chante-t-elle.

Le ténor canadien Michael Schade, reconnu comme l’un des plus grands, incarne ce Florestan qui ne demande plus qu’à mourir plutôt que de croupir dans cette prison infecte. Le chanteur compte parmi les artistes favoris du prestigieux Festival de Salzbourg depuis les 20 dernières années. Sa voix, puissante, d’une pureté et d’une couleur tout à fait exceptionnelles, a tôt fait de gagner notre totale adhésion combinée à la grande musique de Beethoven entre les murs de bois blond de la Maison Symphonique.

Le même envoûtement se produit avec la soprano canadienne Kimy Mc Laren dans le rôle de Marcelline, la fille du geôlier Rocco qui, lui, est chanté par la basse américaine Raymond Aceto, un habitué de la Mecque opératique qu’est le Metropolitan de New York. Chacun des grands airs livrés par Kimy Mc Laren est suivi par un tonnerre d’applaudissements.

Photo par François Goupil

Une forte dose de ravissement, par laquelle on ne demande qu’à se laisser envahir, nous est offerte de même par chacune des neuf voix de cet opéra qui, à la différence de la tendance où tout le monde meure à la fin, connaît un dénouement heureux. L’amour et la justice triompheront de la vengeance, du pouvoir de l’argent, des mariages arrangés malheureux et du destin funeste habituel. Comme quoi les temps ont changé, on s’en remet souvent ici à de nombreuses implorations à Dieu.

Le Chœur de l’Opéra de Montréal, avec ses 51 voix réunissant 10 sopranos, 11 mezzo-sopranos, 15 ténors, 8 barytons et 7 basses, ajoute à l’œuvre une amplitude délectable. Les premiers violons et les seconds violons, les altos, les violoncelles, les contrebasses, les flûtes, les hautbois, les clarinettes, les bassons, les cors, les trompettes, les trombones et les timbales des musiciens de l’Orchestre Métropolitain, fondé en 1981, sonnent juste sous la direction d’un Yannick Nézet-Séguin en excellente forme malgré ses nombreuses et éreintantes présences ailleurs dans le monde.

Après bientôt 20 ans à la barre de l’OM en tant que directeur artistique et chef principal, voilà qu’on apprenait tout récemment le renouvellement à vie du contrat de Nézet-Séguin à la tête de cet orchestre montréalais à dimension symphonique, chose rare dans le monde musical.

Photo par François Goupil

D’autant plus que le jeune chef québécois a été choisi pour remplacer James Levine à la direction musicale du Metropolitan Opera, cela ajouté au maintien concomitant de son poste à la direction musicale de l’Orchestre de Philadelphie qu’il occupe depuis 2012, et sa nomination comme Chef émérite de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam qu’il dirige également depuis une dizaine d’années.

Mais, ce n’est pas tout. En plus des sessions d’enregistrements sur disque, la plupart chez la prestigieuse maison Deutsche Grammophon, l’increvable maestro est invité régulièrement par les Orchestres philharmoniques de Berlin et de Vienne, par l’Orchestre de la Radio bavaroise, par l’Orchestre philharmonique de Londres dont il a été chef invité principal entre 2008 et 2014, pour ensuite devenir en 2016 le troisième membre honoraire à vie de l’Orchestre de Chambre d’Europe. Cette année, à New York déjà, une série de neuf concerts est à son agenda.

Il est chez lui au Covent Garden de Londres, au Met et au Carnegie Hall de New York, au Concertgebouw d’Amsterdam, à la Scala de Milan, aussi bien qu’à la Maison Symphonique de Montréal. Détenteur de six doctorats honorifiques, Yannick Nézet-Séguin est à la musique classique ce qu’est Robert Lepage au théâtre, soit un champion du monde.

Fidelio, avec ses 2h35 de pur contentement musical et vocal, est la première coproduction entre l’Orchestre Métropolitain et l’Opéra de Montréal, et c’est heureux. L’événement s’inscrit comme un prélude au 250e anniversaire de naissance à Bonn de Ludwig van Beethoven dont le génie sera célébré tout au long de l’année 2020 à travers la planète.

Photo par François Goupil

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