Foirée montréalaise

Foirée montréalaise 2016 à La Licorne | Bonne foirée à tous!

Dans le sillage des Contes urbains dont la formule, au bout de 20 ans, s’était épuisée, le Théâtre Urbi et Orbi et son directeur Yvan Bienvenue reviennent à la charge avec la seconde édition de Foirée montréalaise à La Licorne. En 2015, l’arrondissement de Saint-Laurent était à l’honneur, alors que cette année, c’est le Sud-Ouest avec ses cinq quartiers que sont la Petite Bourgogne, Saint-Henri, Ville-Émard, Griffintown et Pointe Saint-Charles qui ont inspiré les conteurs.

La mise en scène de Martin Desgagné, qui se plaît à s’identifier à Robert Gravel comme à un maître, fait en sorte que ceux qui viendront conter et raconter sont éparpillés parmi le public, ce qui crée la surprise à chaque nouveau conte. Pascal Contamine, qui a joué au théâtre déjà avec Wajdi Mouawad, René Richard Cyr et Brigitte Haentjens, agit à titre de modérateur afin que tout tienne ensemble.

Pascal Contamine. Photo par Urbi et Orbi.

Pascal Contamine. Photo par Urbi et Orbi.

L’ambiance en est une de party du temps des Fêtes, mais pas tant que ça non plus. Les réjouissances se font surtout sentir à partir des interventions des trois musiciens de l’ensemble Mélisande, avec ses influences trad, pop et électro. Leurs instruments sont la guitare électrique, la guimbarde, les claviers, la flûte traversière, la basse, le violon, la mandoline et le banjo. Mélisande chante aussi, et fort bien, proposant entre chaque conte une sorte de relecture moderne de chansons traditionnelles québécoises. Sa guimbarde en particulier, petit instrument dont l’origine se perd dans la nuit des temps, s’y prête à merveille.

Mélisande. Photo par Urbi et Orbi

Mélisande. Photo par Urbi et Orbi

Chaque conte se colle à l’histoire d’un de ces quartiers, dont on nous présente même des projections sur un mur écran fait de bois brut. Le Canal Lachine, que la Ville s’obstine à appeler Canal de Lachine, est l’objet de tous les racontars. On apprend entre autres que le fameux Canal a été élargi à deux reprises par les immigrants irlandais qui ont laissé en même temps leur marque dans notre musique folk.

Les auteurs, sauf dans deux cas, sont aussi ceux qui content. Il sera beaucoup question de la classe ouvrière de ces quartiers pauvres, de la statue de Louis Cyr à Saint-Henri et du roman Bonheur d’occasion de Gabrielle Roy, de la taverne Magnan et celle de Joe Beef, d’employés sous-payés d’Imperial Tobacco qui se reprennent en volant des cigarettes à l’usine, de Mario Lemieux (né à Ville-Émard), ou encore du grand panneau publicitaire de la Farine Five Roses comme d’une icône territoriale. Tout cela sous la plume et la livraison de Mylène Bérubé, Simon Boulerice et Jean-François Boudreau. Ce dernier, en particulier, est un comédien recherché autant qu’excellent conteur. Son texte Le voisin aura été l’un des moments forts de la soirée.

Pierre-Michel Tremblay, cofondateur des Éternels Pigistes et auteur de la pièce à succès Coma Unplugged, fait raconter Le porteur d’eau du canal par le comédien Luc Bourgeois. Et François Archambault, que l’on associe d’emblée à ses pièces La Société des loisirs et Tu te souviendras de moi, fait raconter Le doigt de Ghislaine par la comédienne Marie-Joanne Boucher, bien connue par la série Virginie où elle a interprété un rôle principal pendant sept ans à la télé de Radio-Canada. Le conte de François Archambault est d’ailleurs un autre moment fort de la soirée. Il faudra surveiller la création de sa nouvelle pièce, Une mort accidentelle (ma dernière enquête), en janvier prochain à La Licorne toujours.

Marie-Johanne Boucher. Photo par Urbi et Orbi.

Marie-Johanne Boucher. Photo par Urbi et Orbi.

Le décor de cette deuxième Foirée montréalaise a été conçu par Alain Cadieux qui se définit comme un éco-sculpteur. De bois nu et d’acier, ses structures sont composées essentiellement de matériaux et d’objets recyclés, habillant sous un aspect à la fois rustique et moderne l’enceinte sacrée des conteurs.

Ces contes ne sont peut-être pas tous d’égale réussite (certains sont trop longs), mais en y ajoutant les chansons à répondre, parfois grivoises, de Guy Vaillancourt, le compte est bon pour passer une belle soirée.

En s’y prenant à l’avance, les spectateurs ont même le loisir de voter pour le prochain arrondissement et ses quartiers à être ainsi mystifiés. C’est par ce moyen que fut décidé pour l’an prochain que Montréal-Nord sera mis en contes.

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