Gaël Faye

Francos 2018 | Gaël Faye illumine une soirée pluvieuse

Mercredi, la soirée pluvieuse n’a pas fait vibrer la Place des Festival comme les jours précédents. Pourtant, non loin de là, l’Astral vibrait au son de Gaël Faye, un rappeur à la trajectoire particulière qui aura laissé une impression mémorable tant par son entrain que sa musicalité.


Écrivain, poète et musicien. Tout ce que fait Gaël Faye se transforme en or ou presque. Finaliste du Prix Goncourt il y a deux ans pour son roman Petit Pays, le Franco-Rwandais né au Burundi a la plume aiguisée et une voix porteuse, sur le fond comme la forme. Pas de doute, l’homme a toutes les cartes en main pour marquer de son empreinte le milieu artistique francophone de ces prochaines années. Et il le fera probablement. Ce mercredi soir, il en a été la preuve vivante à l’Astral.

Pendant une heure et demie, celui qui dans sa jeunesse quitta la guerre civile de son pays natal pour rejoindre la France a offert au public montréalais un moment exquis, un savant mélange de style dans une ambiance ensoleillée. Le contraste avec la météo extérieure fût saisissant et tandis que les vestes de pluie étaient de mise pour Marjo, le public de l’Astral pouvait quant à lui s’en débarrasser progressivement quand l’énergie contagieuse gagna enfin cette timidité encore visible après une première partie humoristique et sans prétention des rappeurs gatinois Sam Faye (aucun lien de parenté avec Gaël, à ce qu’on sache) & D-Track. 

 

Un Gaël Faye sans failles

C’est au son de Tôt le matin que la grande stature filiforme conquérante du rappeur s’avança vers le public. Dès ce premier titre phare de l’EP Rythmes & Botanique, l’auteur-compositeur-interprète dégage une assurance sidérante qu’il maintiendra tout au long des quinze chansons qui suivront. Puis tout s’emballe sur Paris métèque où les lents mouvements qui animent le corps du franco-rwandais se mêlent à une section instrumentale si bonne qu’elle sera de acclamée de nombreuses fois. Accompagnant Gaël Faye avec maîtrise, Louxor manie aussi bien les pads de ses machines que Guillaume Poncelet pianote son clavier.

Le duo de musiciens fait la paire. Il sublime le flow posé du rappeur dans tout ce qu’il entreprend comme sur cette ode aux souvenirs d’enfance en Afrique avec TV ou QWERTY, qui raconte cette vie de bureau délaissée pour le monde de l’art. « La vie appartient aux idéalistes » chante-t-il au public, une chanson à la symbolique forte, avant de titiller les Montréalais en invoquant leur calme qui mérite d’être bousculé. Les paroles sont dites avec amusement et c’est inévitablement après cette petite pique que la flamme se ralluma davantage auprès du public.

Microclimat tropical ambiant

On assiste à un tournant après une prestation réussie de l’émouvante L’ennui des après-midi sans fin où l’artiste raconte ces ennuyeuses heures après l’école qui l’ont rendu artiste, poussant son public à s’ennuyer aussi dans l’espoir d’en devenir un. Un bien beau discours qui se matérialise ensuite dans cette définition même de l’artiste, cette personne qui se voue à l’expression de l’art sous toutes ses coutures. Sur Tropical, Gaël Faye veut instaurer un microclimat tropical dans une salle acquise à sa cause. Son pianiste se mue en trompettiste dans une ambiance électrique tandis que s’enchaîne ensuite Freestyle Fayaa, un instant où le public est mis à contribution, où les voix de deux élus sont modifiées pour lancer une chanson destinée à faire bouillir la salle.

On croirait à l’apogée du concert, mais non. Il y en a toujours plus chez ce trentenaire. Entre deux chansons, les slams fusent parfois alors que le beat de l’excellente By ramène les gens présents à l’Astral vers le son glorieux du rap d’il y a vingt ans.

 

Une cadence inflexible jusqu’à la dernière seconde

L’artiste accompli terminera une première fois ce spectacle sur Je pars avant de revenir, à la demande générale, pour quatre dernières chansons dont Irruption qui sera sûrement l’apogée du concert. Gaël Faye, après un exercice rap maîtrisé encore une fois à la perfection, échangera sa place avec Louxor, qui prendra celle d’un Guillaume Poncelet s’avançant avec sa trompette seul au milieu de la scène pour envoyer un solo aux sonorités impeccables accompagné d’un beat à faire vibrer les cœurs et les corps.

Le public est fou et ne baissera plus la cadence jusqu’à la dernière chanson Pili Pili sur un croissant au beurre, qui émeut le chanteur de pouvoir jouer ce soir sur les terres d’un pays que visita son père lors d’un roadtrip de cinq années à vélo dans les années 1970. Une bien belle façon de conclure ce spectacle qui résonnera encore longtemps dans les travées de l’Astral.

 

Liste des chansons

  1. Tôt le matin
  2. Paris métèque
  3. TV
  4. QWERTY
  5. Fils du hip-hop
  6. Solstice
  7. L’ennui des après-midi sans fin
  8. À trop courir
  9. Tropical
  10. Freestyle Faya
  11. By
  12. Je pars
  13. Irruption
  14. Métis
  15. Ma femme
  16. Pili Pili sur un croissant au beurre

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