Kalakuta Republik

FTA 2019 | Kalakuta Republik, une claque sur fond de Fela Kuti

Kalakuta Republik du chorégraphe originaire du Burkina Faso, Serge Aimé Coulibaly, et sa compagnie Faso Danse Théâtre, était présenté cette semaine au Monument-National dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA).

Cette pièce est un hommage au pionnier de l’afrobeat originaire du Nigeria Fela Kuti. En témoigne le titre de ce spectacle du même nom que le complexe communautaire qui a logé la famille de Kuti, et qui accueillait à l’époque un dispensaire et un centre d’enregistrement. Tout dans ce spectacle rappelle l’univers du Black President, à commencer par la mise en scène qui s’articule autour d’un sofa, quelques chaises et des toiles qui projettent des images rappelant les nuits agitées du nightlife nigérian.

Le danseur-chorégraphe Serge Aimé Coulibaly, qui a collaboré avec les Ballets C de la B, ainsi que dans les pièces d’Alain Platel et Sidi Larbi Cherkaoui, est reconnu pour son langage chorégraphique d’un nouveau genre, qui questionne le lien entre la danse traditionnelle et contemporaine. C’est notamment lors un passage remarqué au festival d’Avignon en 2016 que le chorégraphe a fait parler de lui. Il va sans dire que sa venue en Amérique du Nord s’est fait attendre et ça se sent à en voir la foule qui se pressait pour assister à cette nouvelle création.

* Crédit : Doune Photo.

L’omniprésence de Fela Kuti

On vit cette pièce comme un morceau de Fela Kuti. Sur fond de jazz, soul et afrobeat les corps se balancent. Le groove, la pulsation et présence sur scène des danseurs, plongent le spectateur dans un univers rythmé et engagé.

La première partie, plus dansée, est marquée par l’entrée de Serge Aimé Coulibaly dans une course joyeuse. Un regard lancé aux spectateurs pour prendre le temps de construire un langage chorégraphique qui est propre à la compagnie Faso Danse Théâtre. L’engagement des danseurs, les mouvements de bassin ou encore les bras qui nous font penser au travail de Anne teresa de keersmaeker, ce qui se dessine sous nos yeux n’est pas commun. Serge Aimé Coulibaly et ses cinq danseurs nous donnent à voir un répertoire original, joyeux, puissant. Les cris, les expressions, les chutes au sol et ce mélange des influences confirment le talent du chorégraphe et de la compagnie.

* Crédit : Doune Photo.

Les titres de Fela Kuti s’enchaînent et servent de terrain de jeu aux danseurs, solo, duo et trios s’enchaînent habilement. Tout comme Kuti, Coulibaly déconstruit la tradition pour imposer un style qu’il défend avec conviction.

On peut citer les mots du chorégraphe ici :

C’est frustrant d’être enfermé dans une vision étriquée de l’art africain. Heureusement, les choses changent et le paysage actuel des danses africaines se transforme, s’élargit. On voit des styles et des écritures d’aujourd’hui s’affirmer et sortir enfin de la polarité traditionnel/contemporain.

C’est donc un nouveau genre qui nous est donné à voir ici, touchant, sensible, qui assume pleinement ses origines. La fin de cette première partie est marquante et on ne s’attend pas une seconde à ce qui va suivre.

Poing levé et déchaînement

Crédit : Doune Photo.

L’ouverture du rideau nous laisse découvrir un joyeux bordel, alcool, sexe et violence nous rappellent là encore l’univers de Fela Kuti, qui est cher au chorégraphe. Une danse langoureuse, des corps déchaînés, des images de viol. Ce qui se déroule sous nos yeux illustre bien le passé difficile d’un pays que le chorégraphe cherche à mettre en scène. Les cris, la débauche et les corps qui se dénudent pourraient nous faire sourire, mais la puissance, la sensibilité et le regard des danseurs sur scène éveillent en nous un sentiment de tristesse et de fierté.

La compagnie Faso Danse Theatre brille sur scène et c’est dans une sortie monumentale, le poing levé, symbole du Black Power, que les 6 danseurs traversent avec charisme et conviction la salle du Monument-National.

On retiendra l’acclamation du public, la ferveur des danseurs et la présence de ces 6 artistes qui ont su éveiller en nous des sensations nouvelles! Une véritable bombe à découvrir dans le cadre du FTA, on a déjà hâte de découvrir la sélection toujours originale et audacieuse du festival.

Vos commentaires