Il Ritorno de la compagnie Circa à la TOHU | Un amalgame étonnant entre cirque et opéra

Qui aurait cru que l’on puisse retrouver sur scène un baryton et une mezzo-soprano dans un spectacle de cirque? C’est pourtant le surprenant défi que relèvent avec brio les deux créateurs de Il Ritorno, Yaron Lifschitz et Quincy Grant, avec la compagnie australienne Circa qui aime bien revenir à Montréal pour présenter ses nouveaux spectacles. Et chaque fois, Montréal est envoûtée.

Fondée en 1987 sous le nom de Rock and Roll Circus, devenue en 2006 Circa, la compagnie est reconnue dans 34 pays sur les six continents pour l’audace avec laquelle elle mélange les genres dans ses spectacles éclectiques où se côtoient cirque, danse contemporaine, théâtre, musique classique, opéra, poésie et humour.

L’année dernière, Circa avait ébloui avec sa reconversion audacieuse du Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns. Cette fois-ci, elle puise son inspiration directement de l’opéra du compositeur italien Monteverdi, Il Ritorno d’Ulisse in patria ou si l’on préfère Le retour d’Ulysse dans sa patrie, créé à Venise en 1640, fusionnant ici avec témérité art acrobatique et opéra baroque. On dit d’ailleurs de la musique de Claudio Monteverdi qu’elle est à la croisée des musiques de la Renaissance et du baroque.

Le résultat est à la fois spectaculaire et intime, tant les choix artistiques détonnent mais fonctionnent dans cette composition hybride prenant appui sur les prouesses des sept acrobates et danseurs (quatre gars et trois filles) qui nous en mettent plein la vue avec l’originalité et l’intelligence de leurs figures fluides défiant la gravité.

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Photo par Tristram Kenton.

Sur la scène en hémicycle de la TOHU sont positionnés côté cour les musiciens qui exécutent live la trame du spectacle, avec des instruments que l’on n’aurait jamais pensé retrouver au cirque, tels le violoncelle, l’alto, le violon et même la harpe.

La musique du spectacle ne se nourrit pas seulement de l’oeuvre de Monteverdi, mais aussi de compositeurs plus contemporains comme John Barber, de même que Quincy Grant. Et les voix en italien des deux chanteurs lyriques, Kate Howden et Benedict Nelson, sous la direction musicale de Natalie Murray Beale, sont totalement sublimes.

L’histoire, épique, est celle du héros grec Ulysse qui revient de 20 années de guerre à sillonner les mers, et qui retrouve à Ithaque son amour de toujours, la si belle Pénélope laissée derrière. Ce retour inespéré, selon les concepteurs, n’est pas sans évoquer le mauvais sort des exilés, des expatriés, des déracinés, des déportés, des migrants par millions délogés de force par la guerre, comme malheureusement c’est encore le cas aujourd’hui.

Le cirque étant une forme d’art poussée à l’extrême, tout comme l’opéra d’ailleurs, ce magnifique Il Ritorno ne manque pas de nous entraîner dans les sillons d’une nouvelle odyssée homérique à l’échelle du monde et des humains si imparfaits qui l’habitent toujours, mais que l’art transcende.

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