La vague parfaite

La Vague parfaite à Espace Libre | Un opéra-surf qui divague

La culture surf et les codes de l’opéra parodiés dans un même spectacle ? Aussi improbable soit-elle, c’est bien la proposition du toujours absurde Théâtre du Futur pour cette nouvelle oeuvre de théâtre musical intitulée La Vague Parfaite, présentée à l’Espace Libre du 12 au 30 janvier 2016.


Après avoir dédié un opéra rock à Clotaire Rapaille et imaginé un Gilles Duceppe victorieux d’un 8e référendum québécois à l’aube de la fin du monde, Guillaume Tremblay et Olivier Morin (du Théâtre du Futur) ont bâti cette fois-ci un imaginaire tout autre, moins local.  Ce sont les excès de la culture zen de la relaxation qui sont tournés au ridicule, sur une île ensoleillée paradisiaque où vivent les pires fainéants qui soit : les surfeurs.

On retrouve donc sur scène une dizaine d’acteurs incarnant des jolis jeunes adeptes de la planche à vagues – divisés en deux clans, soit les « cool » et les « wannabes », prononcés comme des noms de tribus exotiques – qui n’ont de soucis que l’entretien de leurs propres égos, et le rêve ultime de la vague parfaite.  Sur une plage du futur à Tahiti, ils se font dorer la couenne, cultivent leur hiérarchie de coolness, se font des massages, boivent des jus verts et baisent sans barrière. Une belle bande de douches.

L’ennui pour eux, c’est que la vague parfaite tant attendue sera en réalité un tsunami, que chacun voudra bravement affronter à sa perte. C’est la fin d’un monde idyllique sur fond de catastrophe naturelle, alors que les surfeurs refuseront d’être rescapés par les nations qui leur tendent la main, donnant lieu à toute sorte d’apparitions de personnages extérieurs loufoques.

Ah oui, et tout cela, c’est un opéra-surf. Donc tout est chanté, comme à l’opéra, avec un pianiste (Philippe Prud’homme) en bordure de la scène. Chanté en 6 langues s.v.p., avec écran de surtitrage, qui constitue le principal outil comique de la pièce. Parce que sans cet écran, on ne saisirait pas trop les textes absurdes, même lorsqu’ils sont en français ou en anglais.  C’est de l’opéra après tout. Et Dieu sait que le contraste entre les textes relâchés, parfois vulgaires et (volontairement) simplistes (ex.: « C’est très cool dude », « Surfe avec ta snatch » ou « Une grand-mère nue plotte qui vomit sua brosse »), et le chant opératique donnent de drôles de moments.

Crédit : Toma Iczkovits

Crédit : Toma Iczkovits

Au final, les jeux de mots y sont inventifs et fort cocasses, mais on aurait souhaité un peu plus de subversion sur le plan narratif. L’insertion un peu forcée d’une critique de nos idéalisation collective de l’Islande, notamment, semble un peu superflue.

Une chose est sure : on y a visiblement mis beaucoup d’effort pour imiter l’opéra à fond, si bien que les mélodies sont complexes et imprévisibles, ce qui a dû nécessiter un travail fou pour les interprètes. Les « cools » relèvent admirablement le défi : le Barython Antoine Gervais et les Ténors Mathieu Grégoire et Sylvain Paré y sont très convaincants, tout comme les sopranos Hiather Darnel, Cécile Muhire et Anne Julien.

Surtout qu’on le rappelle : sur scène, ils doivent suivre la musique jouée en direct au piano par Philippe Prud’homme. Un tour de force étonnant, très bien réussi par les acteurs, surtout pour une pièce qui mise sur un humour absurde dans l’ensemble très drôle.

 

 

 

Vos commentaires