La vague parfaite

La Vague Parfaite au Théâtre d’Aujourd’hui | Pas si parfaite que ça…

La compagnie le Théâtre du Futur, qui ne manquait pas de mordant dans son Clotaire Rapaille, l’opéra rock, puis dans L’assassinat du président qui se déroulait en 2022, arrive au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui avec La vague parfaite, un opéra surf, créé à Espace libre puis repris aux Écuries. Présenté cette fois dans le cadre du 375e, comme à peu près tout ce qui bouge ces temps-ci à Montréal, est une parodie d’opéra loufoque et dérisoire dont on s’explique mal le succès.

« Je n’ai pas ri une seule fois », disait un spectateur à son voisin qui lui répondit « Moi non plus », à la sortie de cette satire d’opéra sur un livret d’Olivier Morin et de Guillaume Tremblay, ce dernier signant également la mise en scène de La vague parfaite.

Crédit photo : Tomas Iczkovits.

Crédit photo : Tomas Iczkovits.

L’histoire, futuriste, n’est pourtant pas inintéressante, sachant que c’est la nature qui décidera de la date de la disparition d’au moins une centaine d’îles paradisiaques de l’océan Pacifique. Au moment de la pièce, ils sont six comédiens, trois « dudes » et trois « dudettes », en plus des trois musiciens jouant live sur la petite scène du CTD’A, ce qui fait beaucoup de monde.

Ces surfers dans l’âme isolés sur une île, vivant au rythme des vagues, fantasment depuis toujours sur la vague parfaite qu’ils attendent infatigablement, l’un d’eux affirmant même : « La mer est ma seule amante ». Mais voilà que se profile plutôt à l’horizon un tsunami destructeur qui les forcera à quitter leur île dévastée sur un radeau de fortune assemblé à partir de leurs planches de surf. Tel un boat-people, ou encore une embarcation précaire archi bondée comme celles de la crise récente des migrants en mer Méditerranée, au bout du désespoir en fuyant la guerre, ils se cherchent comme eux une nouvelle patrie au péril même de leurs vies.

L’action est ponctuée par les interventions appropriées du jeune pianiste Philippe Prud’homme et par l’ambiance sonore de Navet Confit. Mais, comme la majeure partie du texte est chantée, ça prend des voix. Pour celle juste et puissante d’une Hiather Darnel, on se bute à des amateurs qui massacreront sans pitié et sans humour véritable doué d’intelligence, le monde opératique qui, doit-on le rappeler, est en soi un art total et noble. L’un d’eux ira jusqu’à dire : « Ils se sont tous endormis comme le public au deuxième acte de l’Opéra de Montréal. »

Crédit photo : Tomas Iczkovits

Crédit photo : Tomas Iczkovits

Ce qui surprend aussi, c’est la multiplicité des langues chantées, passant de l’anglais à l’italien, à l’allemand, au joual et à un langage inventé. Mais, même quand ils chantent, mal, en français, nous avons besoin des surtitres pour les comprendre. Et les traductions, plutôt sommaires, sont exagérément joualisantes, comme dans « Lâchez pas la patate » ou bien « Relaxe esti! ». Nul besoin de maillot ni de crème solaire, donc.

Le livret, avec sa « pyramide du coolness », ses « chicks » et son chœur de « wannabes », mélangera sans crier gare la figure emblématique de Michelle Obama, l’adoration des chats, le jus vert, le droit de cuissage, à un Dieu qui a faim, à l’odeur de noix de coco, au monstre marin l’Octopode, et quoi encore? Même le Gilligan des Joyeux Naufragés n’aurait pu faire pire.

L’eau, la force du vent, le soleil, l’odeur du sel marin, la sensualité des mouvements des surfers, tout le contexte de la pièce est sacrifié au profit d’une satire d’opéra de pacotilles. Le public rigole, comme devant une chorégraphie de lutteurs de sumo en tutu. Avec beaucoup d’efforts, et en se bouchant les oreilles, on finira cependant par comprendre de manière très subtile que la vague parfaite que l’on attend tous est en chacun de nous. Mais, c’est bien trop tard.

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