Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me

Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me par Angela Konrad à l’Usine C | Décevant…

« Il m’a toujours semblé que le théâtre, plus précisément l’écriture dramatique et la mise en scène, sont intimement liés à la philosophie », nous dit l’auteure et metteure en scène d’origine allemande Angela Konrad à propos de sa pièce Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me, présentée à l’Usine C au terme d’une résidence d’artiste de trois ans jusqu’ici fructueuse.

Elle aurait pu ajouter cette fois que le théâtre est lié aussi bien à la psychanalyse, la psychologie, la sociologie, la métaphysique pure et dure, tout comme à l’introspection, la quête irraisonnée du bonheur, l’échec amoureux et la culture du narcissisme.

Conçue pour un acteur, quatre danseurs et un chien, sa pièce est largement inspirée de grands penseurs du 19e et du 20e siècle, comme Alain Badiou, Sigmund Freud ou bien Bernhard Stiegler. Mais, il se trouve que de saupoudrer une citation de Nietzsche au passage a peu de corollaire avec le couple Brad Pitt – Angelina Joly.

Le long titre de la pièce emprunté à une chanson du groupe britannique The Smiths, vient se poser comme la fausse alarme dont parle la chanson qui retentit pour son protagoniste « au bord de l’étang de ma vie », lequel est en pleine rechute de crise existentielle. La musique, très présente d’ailleurs, ponctue l’action comme l’inaction avec les greatest hits de la pop de Shirley Bassey mélangés à cinq chansons des Smiths.

Photo Le Pigeon

Photo Le Pigeon

C’est le comédien Éric Bernier qui incarne le rôle du dépressif innommé. Il est entouré de trois danseurs et d’une danseuse qui ont peu à se mettre sous la dent, sauf à la fin de la pièce dans une trop courte mais très belle et efficace chorégraphie de Marilyn Daoust. Parmi eux, Emmanuel Proulx qui a souvent travaillé avec Daniel Léveillé, chaque fois avec une présence scénique convaincante de danseur-né.

« Il n’existe aucune nécessité d’être heureux », nous prévient le comédien dès le début, ajoutant plus loin en se désespérant de sa « foutue vie » que « tout bonheur est obtenu par la force du vouloir ».

 

Le texte au secours du jeu

Photo par Nathalie St-Pierre.

Photo par Nathalie St-Pierre.

Ainsi, le texte surabondant d’Angela Konrad vient souvent sauver la mise, car Éric Bernier danse mal, chante mal, et pleure mal en émettant au micro des gémissements plutôt désagréables à entendre, mais il joue bien. Son personnage est attachant, troublant même dans la vérité de sa logique voulant qu’une rencontre amoureuse relève d’un accident pathétique.

Noyé dans les profondeurs de son vide intérieur, à bout de questionnements le menant nulle part, il finira par décider de se tourner vers l’acquisition d’un chien, pour donner un sens à sa vie. Mais, là encore, il se fera avoir par son nouveau compagnon qui se détournera de lui à la première occasion pour prodiguer son affection à quelqu’un d’autre.

Certains passages sont joués en anglais, avec l’accent d’une vache espagnole qui détonne sur cette vaste scène nue, éclairée seulement par des projecteurs latéraux sous la conception très réussie de Cédric Delorme-Bouchard. Alors que la scénographie, on ne peut plus minimaliste, est signée par la talentueuse Anick La Bissonnière.

Après avoir fréquenté pendant une vingtaine d’années en Allemagne et en France des monuments comme Shakespeare, Brecht ou Müller, après avoir adapté habilement La Cerisaie de Tchékhov pour le Festival TransAmériques et monté le Macbeth de Michel Garneau avec succès à l’Usine C, c’est la première fois qu’Angela Konrad travaille sous la forme du monologue au théâtre. De là peut-être un certain inconfort se dégageant de ce Last Night I Dreamt That Somebody Loved Me qui nous laisse face à la même irrémédiable quête du bonheur, celle à laquelle elle nous convie pourtant.

Vos commentaires