Leon Fleisher

Leon Fleisher et Peter Oundjian à la Place des Arts | Douceur et complicité

Après Maurizio Pollini il y a une dizaine de jours, Montréal accueillait dimanche un autre grand maître du piano, le légendaire Leon Fleisher, qui fêtera ses 90 ans au mois de juillet. Il était accompagné de l’Orchestre Symphonique de Toronto, venu spécialement pour l’occasion et dirigé par Peter Oundjian, le directeur artistique de l’ensemble.

Leon Fleisher a connu une carrière fulgurante après avoir remporté en 1952 le Premier Prix au Concours Reine Élisabeth de Belgique. Mais en 1965, les premiers symptômes d’une dystonie focale apparurent l’obligeant à s’éloigner de son instrument et de la scène pendant de longues années, qu’il a occupé en dispensant des cours et des classes de maître partout dans le monde et en s’initiant à la direction d’orchestre. Ce n’est que dans le milieu des années 1990 que le pianiste a pu recommencer à jouer et à réapparaître sur scène à titre de soliste.

Dimanche, Leon Fleisher a interprété avec beaucoup de générosité et d’esprit le 12econcerto de Mozart en La Majeur. Il nous a plongé dans le lyrisme typique du compositeur viennois accompagné de beaucoup d’innocence et de douceur. Rien dans le jeu de Leon Fleisher n’est superflu ou déplacé : tout est exécuté avec une grande maîtrise et le phrasé est au cœur de ses préoccupations. L’interprète, très à l’écoute de l’orchestre, semble d’ailleurs dégager une incessante curiosité pour cette magnifique musique. Exit les démonstrations de virtuosité ou la recherche du son parfait. Ici, tout est pensé avec le recul d’une immense carrière et c’est un Mozart vif et pétillant, empreint des influences de l’école allemande, que le pianiste nous a proposé.

Comme il fut agréable aussi, de constater la subtilité et la souplesse de l’orchestre dans son accompagnement du soliste, lui offrant la possibilité de naviguer dans une pulsation parfois mouvante mais toujours stable. Qu’il s’agisse du chef d’orchestre ou des musiciens, chacun semblait être connecté avec le soliste et attentif à ses besoins musicaux. À aucun moment Leon Fleisher a été noyé dans une masse orchestrale : tout fut posé avec délicatesse et mesure, à tel point que l’on regrette de n’entendre que rarement du Mozart – surtout de cette façon.

En deuxième partie était présentée l’immense 8Symphonie d’Anton Bruckner, une pièce longue de plus d’une heure vingt, riche et en renouvellement continu. Une fois de plus, le TSO n’a pas déçu. Peter Oundjian plonge dans cette œuvre colossale, qui alterne moments de tension et de détente, avec beaucoup de conviction et d’assise. Le chef d’orchestre dirige ses musiciens avec intelligence, offrant une bonne gestion du suspens et de l’énergie pour ne pas faire décrocher le public ou même ses musiciens. La partition de Bruckner est en effet loin d’être de tout repos et les musiciens de l’Orchestre Symphonique de Toronto ont été très solides et impliqués – particulièrement les pupitres de cuivres, sur lesquels toute la symphonie repose. Les motifs thématiques qui se répètent parfois pendant plusieurs minutes, peuvent alors émerger sans lasser le spectateur, qui, à son tour, se laisse porter et voyage dans l’ambiance de la sublime musique de Bruckner.

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