Les Ballets Trockadero de Monte Carlo

Les Ballets Trockadero de Monte-Carlo | De l’humour et de la qualité

Depuis 30 ans, les Ballets Trockadero de Monte-Carlo sillonnent le monde en répandant leur bonne humeur partout où ils se produisent. Cette troupe de danseurs (ils sont 16 hommes) désacralise la danse classique et propose différents ballets revisités… à leur manière.

Dans leur spectacle, rien n’est laissé au hasard. Chaque danseur emprunte un pseudonyme (humoristique) d’une danseuse russe – évidemment ! – et se glisse dans la peau d’une ballerine. Du tutu aux pointes, en passant par les chignons et le maquillage, les hommes sont métamorphosés en femme et tiennent un spectacle de plus de deux heures… sur pointes. Il faut savoir que la physionomie de l’homme est très différente de celle de la femme, de ce fait, le corps d’un danseur n’est pas forcément adapté pour monter sur pointes pendant une si longue durée contrairement aux filles, qui sont plus légères et plus fines naturellement.

Le subterfuge est si bien entretenu que l’on a même tendance à oublier à plusieurs endroits que ce sont des hommes qui dansent. Tout est pensé de manière humoristique mais jamais grossière, à commencer par le programme que nous tenons dans les mains et qui sera modifié dès le départ en nous précisant que « les danseuses sont de très bonne humeur ce soir ». Avant même que le spectacle ne commence, le public rit déjà aux éclats : cela annonce une belle soirée.

Pour la première montréalaise, les Ballets Trockadéro ont proposé plusieurs tableaux très contrastés. En première partie, ils mettaient à l’honneur la musique de Chopin avec différentes chorégraphies qui multiplient les gags notamment un prince (beaucoup trop) rêveur, des demoiselles (très) branchées électroniques…

Le deuxième acte continuait sur la lancée humoristique du premier sans pour autant tomber dans la lourdeur. Au programme : un tableau plus contemporain avec une musique en directe faite de blagues (l’un des danseurs gargarisant dans un micro à l’envers, un autre mélangeant une matière invisible avec fouet dans un saladier, ou bien, les deux réunis, éclatant du papier bulle) tandis que trois autres évoluent au milieu de la scène. Venait ensuite une chorégraphie sur des musique de J. S. Bach qui resta assez puis le clou du spectacle et probablement la création qui les a rendus célèbres : une parodie de la mort du cygne qui plongea la salle dans un fou rire général. Mais il faut bien le dire : ce fut très difficile de résister.

La troisième partie changea tout à fait de style et montra principalement les grandes qualités techniques et artistiques des danseurs. En reprenant certains passages de Don Quixote et certaines variations à la lettre normalement dansées par des femmes, la compagnie a voulu prouver qu’elle n’est pas seulement une bande de comiques qui est là pour divertir les gens mais avant tout troupe d’excellence de la danse masculine. Certains passages ont en effet été bluffant tant la technique était précise et l’interprétation juste – bien que ce ne soit pas forcément ce que l’on recherche en allant voir un spectacle de cette sorte, il est important de le souligner. Les variations finales des deux rôles principaux furent époustoufflantes de brio : elles sont en temps normal d’une difficulté extrême pour les filles mais les voir danser avec autant de dextérité par un homme sur pointe est réellement marquant.

Alliant fantaisie et talent, les Ballets Trockadero savent cependant doser leur représentation pour ne pas tomber dans l’excès barbant ou au contraire une sobriété trop prononcée. Faisant appel à des danseurs de qualité, qui sont aussi de très bons comédiens, ils offrent une bonne dose de rire en caricaturant la danse classique mais sans tomber dans une vulgarité qui n’aurait pas sa place ici : tout est en effet dosé avec délicatesse et précision, rien n’est laissé au hasard (jusqu’aux saluts !). La prouesse physique en est d’autant plus impressionnante que les artistes ont autant l’air de s’amuser que nous et cela fait extrêmement plaisir à voir.

 

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