Les Boréades

Les Boréades 2016-2017 | Concert Salons et Jardins : Entrevue avec le directeur artistique Francis Colpron

Le 26 octobre prochain à 19h30, le spectacle Salons et Jardins sera présenté à la salle de concert du Conservatoire de Montréal. Cet événement aura lieu dans le cadre de la saison 2016-2017 des Boréades, ensemble fondé par Francis Colpron, flûtiste qui y assure également le rôle de directeur artistique. À Sors-tu.ca, nous avons eu la chance de discuter avec lui et de partager avec vous ses propos quant à ce spectacle à venir, mais aussi quant à son ensemble, sa vision artistique et son rapport à la musique.

 

Sors-tu.ca : Salons et Jardins s’inscrit dans le cadre des Boréades, ensemble spécialisé dans le répertoire baroque que vous avez fondé en 1991. D’où est né ce projet ?

Source : http://www.boreades.com/directeur-artistique/

Source : http://www.boreades.com/directeur-artistique/

Francis Colpron : Après avoir étudié en Europe, j’ai fait mes études de Maîtrise aux Pays-Bas, et je suis revenu au Canada en 1991. À ce moment-là, j’ai tout de suite compris qu’il fallait que je bâtisse mon avenir, alors j’ai mis en place l’Ensemble avec des copains, et c’est devenu Les Boréades. L’idée de faire une saison, avec des tournées, des disques, elle, est venue un peu plus tard… Disons 1996.

Au début, il fallait juste que j’aie une entité avec laquelle je pouvais jouer. Dans la vraie vie, ce sont les flûtistes qui téléphonent, et non eux qui reçoivent les appels donc… j’ai adhéré à l’idée qu’il fallait que j’organise des choses, et j’ai mis en place Les Boréades.

Comment s’est développée votre passion pour la musique baroque, et quelles sonorités vous parlent le plus dans ce genre musical ? 

J’ai commencé tout jeune avec la flûte à bec, qui a un répertoire baroque. La flûte traversière est venue un peu plus tard. Alors, j’ai été confronté à cette musique tout jeune, j’ai appris à l’aimer et puis j’ai toujours gardé la fièvre.

Quand je suis parti aux Pays-Bas, c’était pour me spécialiser en Musique Ancienne. La musique baroque est devenu le terroir dans lequel je travaille, de plus en plus, mais dès le début c’était cette musique rhétorique qui m’intéressait, qui à mes yeux me parlait énormément. Je la trouve accessible – plus que celle symphonique du XIXème siècle que je trouve un peu « bavarde », tout en ayant de grands génies avec lesquels on peut travailler comme Jean-Sébastien Bach, ou Jean-Philippe Rameau… J’y trouve mon compte.

Pour ce qui est des sonorités, je joue pour ma part des instruments qui sont en bois : ma flûte traversière, ma flûte à bec sont en bois, et c’est ce que j’aime, ce timbre-là chaleureux… Ça m’a aussi tout de suite parlé en terme de pédagogie. On doit faire des recherches avec des méthodes de l’époque, voir en principe comment les gens jouaient, et j’ai alors découvert une sonorité qui me plaisait, une attitude au son qui était vraiment ce que je cherchais.

Comment décririez-vous le spectacle Salons et Jardins à un spectateur novice des Boréades ?

C’est un spectacle de musique de chambre, on sera donc six musiciens, et on a des instruments qui sont vraiment les instruments phares de l’époque. La basse continue sera jouée avec le clavecin et la viole de gambe, et on aura les violonistes et les flûtistes.

C’était, à la chambre du Roi Louis XIV, ce qu’il préférait le plus : des petits concerts personnels comme cela, qui se faisaient en salon. Pour la musique française, c’était un peu le nerf de la guerre car il y avait à l’époque toute une bourgeoisie qui voulait d’une façon confronter la monarchie en disant : « Nous sommes assez riches, nous pouvons nous aussi avoir des plaisirs qui sont à l’égal du Roi, alors nous ferons des Salons ». En faisant ces Salons, ils n’avaient peut-être pas la bourse pour inviter l’orchestre entier, mais ils avaient de quoi faire venir quelques musiciens, et c’est ça qu’on va vraiment explorer ce mercredi prochain. On va regarder ce qu’était cette musique de chambre, accessible à cette nouvelle classe de gens en France qui pouvaient apprécier la musique.

Et, en même temps, la musique italienne à l’époque devenait très populaire. Les compositeurs français se sont presque sentis obligés d’adhérer au nouveau style, ce qui ne plaisait peut-être pas trop aux tenants de l’art comme Jean-Baptiste Lully, qui lui a mis en place « l’art français par excellence », mais l’art italien est devenu à un moment incontournable. Et les gens ont commencé à délaisser les Suites pour faire des Sonates par exemple. Ça paraît peut-être un peu anodin, mais ça a teinté la production musicale, énormément. Les compositeurs ont alors exploré l’art italien avec beaucoup de plaisir.

Pour un novice, je dirais que c’est une musique avec peu de musiciens, mais qui est très intime.

Comment s’est fait le recrutement des différents musiciens qui vont jouer dans Salons et Jardins ? Y a-t-il eu des auditions spécifiques, ou saviez-vous à l’avance qui vous vouliez prendre pour chaque instrument et pourquoi ?

Non, il n’y a pas eu d’auditions spécifiques ! Ce sont tous des collègues, des gens que je connais, et avec qui je travaille depuis plusieurs années. Ils sont très réputés, très reconnus dans leur domaine. Olivier Brault est le premier violoniste de l’Orchestre américain Apollo’s Fire, Laura Andriani est une des membres du Quatuor Alcan… ce sont des gens du milieu avec qui on ne fait pas d’audition. On espère plutôt simplement qu’ils jouent avec nous avec plaisir.

Notre mandat est de faire découvrir aux gens des compositeurs méconnus. C’est ce qu’on va faire ici : personne ne connaît Duval ou Huguenet, mais ça va nous faire plaisir de les présenter, et on espère que les gens vont les apprécier.

Quels sont les points communs, et au contraire les marques de fabrique plus « distinctives » entre les différents compositeurs choisis pour le corpus de Salons et Jardins, du point de vue de la création musicale ?

On aura trois compositeurs phares qui sont Duval, Huguenet et François Couperin. Il y aura aussi Philidor et Jacquet de la Guerre qui feront partie du programme.

Couperin ressort certainement du lot car c’est celui qui a voulu faire la réunion des goûts italien et français, et c’est l’un des plus grands compositeurs français de l’époque baroque. C’est avec lui que nous terminerons les parties : en première partie, nous finirons avec La Françoise, et puis c’est La Piémontoise qui clôturera la deuxième. Quant à Huguenet et Duval, ce sont des violonistes qui ont fait partie de la petite chapelle du Roi, donc qui travaillaient directement avec le Roi. François Couperin a fait par exemple quelques Sonates avec Huguenet et Duval, qui étaient aux violons. Et ces personnes ont été productives à l’époque, mais pas autant qu’un Telemann qui a presque 6000 œuvres à son catalogue. Pour autant, ce sont des gens qui correspondent bien à l’idée du style de l’époque.

Comment définiriez-vous votre mission, aux Boréades, en particulier lors de ce spectacle ?

Nous avons un travail, nous, aux Boréades… Notre mandat est de faire découvrir aux gens des compositeurs méconnus. Alors c’est un travail de recherche énorme avant les concerts. Et puis tant qu’on trouve des parchemins, des manuscrits qui sont intéressants, c’est sûr qu’on se fait un devoir de les mettre en partitions, de les traiter, de les mettre à l’ordinateur pour pouvoir les jouer, et par la suite de pouvoir les partager avec le public mélomane. C’est ce qu’on va faire ici : personne ne connaît Duval ou Huguenet, mais ça va nous faire plaisir de les présenter, et on espère que les gens vont les apprécier.

Et puis, on est plutôt ludiques aux Boréades, on explique au public ce qu’on a fait. Par exemple, en tenant compte du fait qu’on présente des œuvres d’inconnus, on ne peut pas arriver sur scène et juste dire « Consommez et on y va ». Il faut quand même un peu expliquer les recherches qu’on a faites, et pourquoi on en est arrivés à présenter ce répertoire. On aime beaucoup ça, parler aux gens.

La suite de l’entrevue par ici :

Vos commentaires