Louis Lortie avec l’OSM | Chopin vitesse grand V

C’est un marathon Chopin qui était au programme de la Maison Symphonique mardi soir alors que le pianiste Louis Lortie présentait l’intégrale des 24 Études pour piano (les opus 10 & 25) ainsi que les 24 Préludes op. 28, soit deux heures de musique. Le pianiste donnera également deux fois le premier concerto de Chopin les 6 et 8 avril avec l’OSM sous la direction d’Andrew Davis.

Très inspiré par Pollini pour les choix interprétatifs des études, Louis Lortie a privilégié une interprétation assez directe, tout particulièrement dans l’opus 10, multipliant les excès de vélocité, parfois au péril de la musicalité : on n’a pas manqué de remarquer quelques petits accidents dûs à l’emportement fougueux de l’interprète qui se laissait parfois submerger par les obstacles de l’oeuvre.

On ne peut nier que Lortie a une technique assez époustouflante mais il faut cependant garder à l’esprit que les études de Chopin sont avant tout des petites perles musicales plutôt que des études à proprement parler.

Même le pianiste italien sait limiter son tempo dans son enregistrement de 1972 afin de ne pas nuire à la clarté et la compréhension de l’oeuvre. Il y avait dans l’opus 10 à certains endroits une saturation de l’intensité sonore bien que ça ne soit jamais dur et un manque de variété dans les différentes études : bien souvent les études plus rapides étaient interprétées dans la même idée et manquaient de respiration et on avait du mal à trouver une nuance intermédiaire entre le très fort et le plus doux. Entre toutes ces étincelles de technique, on a parfois besoin de moments plus calmes qui nous permettent d’intégrer totalement la musique.

La technique impressionnante de Lortie n’a cependant pas échappé au public qui lui a offert une standing ovation dès la fin de l’opus 10.

Opus 25

L’opus 25 fut un peu plus poétique et recherché : il faut reconnaître que Lortie peut avoir de magnifiques couleurs dans les nuances plus douces et c’est dommage qu’il n’en profite pas un peu plus car c’est véritablement dans ces passages qu’il laisse le piano parler et ainsi qu’il nous touche. Chopin demande une grande maîtrise du style et du son : il ne faut pas tomber dans l’excès sonore et la simple démonstration technique mais pas non plus abuser de l’aspect sentimental qui peut rapidement faire mauvais goût (chose que l’on ne pourra pas reprocher au pianiste hier soir cependant).

La courte durée des pièces implique également que l’on se plonge dans différentes atmosphères rapidement. Contrairement à l’opus 10, l’opus 25 permit au public d’apprécier plus la musique du compositeur polonais à travers un jeu perlé et délicat même si l’on ne peut nier que certaines études étaient encore une fois trop rapides pour en comprendre le discours musical.

Ce fut véritablement dans la deuxième partie et donc dans les préludes que l’on put entendre les qualités musicales du pianiste. On le sentit beaucoup plus à l’aise et en contrôle de l’oeuvre, moins dans la démonstration et plus dans la générosité mélodique ce qui permet au public de mieux savourer la musique de Chopin.

Les préludes plus lents surtout lui permirent d’explorer les qualités de timbres du piano tandis que ceux plus rapides apparurent comme des petits feux d’artifice éblouissants. Plus spontanés, les préludes furent un délicieux moment de répit.

Donner un récital de Chopin de deux heures est un véritable défi tant pour le pianiste que pour le public : cela demande une grande concentration des deux côtés. Le programme de hier soir aurait pu être amputé d’un opus d’études sans que cela ne nuise à la prouesse pianistique : on sait à quel point il est difficile d’interpréter avec justesse la musique du compositeur. Au contraire, Lortie aurait peut-être plus eu le temps d’explorer chaque petit bijou interprété. On ne peut s’empêcher d’avoir en tête le récital de Lukas Geniusas en décembre dernier qui avait aussi programmé les 24 études de Chopin (dans une merveilleuse interprétation beaucoup plus intime et contrastée) avec une seconde partie allégée sans pour autant que cela ne desserve le jeune pianiste.

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