Lucas Debargue

Lucas Debargue à la Maison Symphionique | Musicien hypnotique

Pour la première fois depuis sa révélation au Concours Tchaikovsky de Moscou où il a remporté le Quatrième Prix en plus du Prix de l’Association des critiques musicaux de Moscou, le pianiste Lucas Debargue se produisait samedi soir en récital à la Maison Symphonique.

Lucas Debargue est un phénomène comme on en entend rarement. Âgé de vingt-sept ans seulement, il possède une originalité musicale et une créativité sonore singulières. Du choix du programme à sa vision artistique des pièces qu’il interprète, tout est pensé avant-tout musicalement. Il propose des compositeurs peu entendus de manière générale : Scarlatti, Fauré alliés à des pièces de Chopin peu jouées en concert et le célèbre Gaspard de la nuit de Ravel.

Devant un public très attentif, le pianiste ouvre son récital sur quatre sonates de Scarlatti qui nous captivent dès les premières notes entamées. Les sons qui s’échappent du piano sont à la fois cuivrés, délicats mais jamais de mauvais goût. Il est assez exceptionnel d’entendre autant d’instruments sortir d’un piano car Lucas Debargue est un véritable orchestrateur pianistique. Il n’essaye jamais de coller le plus possible au style des compositeurs et prend énormément de libertés dans ses choix d’interprétation mais ceux-ci sont si bien défendus et réalisés qu’on ne peut guère le blâmer.

Il fait sans cesse déborder les frontières des versions convenues que l’on a l’habitude d’entendre. Dans ses deux pièces de Chopin (Barcarolle et 2ème Scherzo), il n’hésite pas une fois de plus à sortir des sentiers battus pour nous proposer quelque chose de nouveau. Il crée des occasions, se renouvelle sans cesse ce qui fait que l’on ne s’ennuie jamais en l’écoutant et il est impossible de décrocher de son jeu hypnotisant. Le 2ème Scherzo est vibrant d’intensité, fantasque, mystérieux. Lucas Debargue laisse parler les silences et fait vivre chaque note qu’il joue.

Il choisit ensuite deux barcarolles de Fauré pour clore la première partie et ouvrir la seconde. Le jeu est sybillin, céleste et colore à merveille les harmonies si tortueuses et spéciales du compositeur français. Lucas Debargue termine son récital avec Gaspard de la nuit de Ravel, un cycle de trois pièces composées sur des poèmes d’Aloysius Bertrand réputé pour être l’un des plus gros défis de tout le répertoire pianistique tant par la variété de techniques employées mais également par les nombreuses variations de sonorités.

Encore une fois, nous assistons à autre chose qu’une interprétation pianistique et l’on peut déceler l’eau miroiter dans le premier morceau Ondine, l’angoisse omniprésente dans le Gibet et la malice inquiétante de Scarbo. Lucas Debargue réussit des effets sonores incroyables, travaille une amplitude de nuances exceptionnelle. Sa qualité de coloriste nous hypnotise tandis qu’il joue à merveille avec la résonnance de l’instrument.

Après ce récital d’une intensité étonnante, Lucas Debargue est revenu sur scène et a offert à un public conquis deux rappels. Nous attendons avec impatience sa prochaine venue.

 

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